Réflexions en cours

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mercredi 7 juin 2006

Le cas Zacharias, exemple de la gouvernance d'entreprise

Antoine Zacharias était le PDG de l'entreprise de BTP Vinci. Il avait une grande réputation dans sa tâche, et avec l'âge, il avait prévu de préparer sa succession. En début d'année, il a donc nommé Xavier Huillard au poste de directeur général de l'entreprise, afin qu'il puisse rester président du conseil d'administration sans responsabilités exécutives directes. Mais après la prise de contrôle des Autoroutes du Sud de la France, il a voulu s'octroyer une prime de huit millions d'euros, alors que son salaire, sa prime de départ, ses avantages en nature et sa pension de retraite étaient déjà incroyablement élevés. En tant que gestionnaire de l'entreprise, Xavier Huillard l'a refusé et a dénoncé cette prétention. Qu'à cela ne tienne, Antoine Zacharias supporte mal la contradiction et désire alors changer de successeur pendant qu'il a encore le contrôle de l'entreprise. Il souhaite nommer Alain Dinin, qui est à la tête de Nexity, quitte à ce que Vinci rachète 6 % de cette entreprise sans vraiment en avoir l'intérêt.

Tel est le cas Zacharias, où un grand patron fait prendre des décisions stratégiques à son entreprise dans son seul intérêt personnel. Ce genre de situations est déjà arrivé de nombreuses fois auparavant, et à chaque fois au prix de scandales mérités. Mais cette fois ci, le conseil d'administration a su prendre ses responsabilités : sous l'impulsion de la résistance de Xavier Huillard, une majorité a réussi à se créer contre le rachat des actions Nexity, et ce malgré la présence d'amis ou de clients d'Antoine Zacharias, tel que Alain Minc, un habitué de ce genre d'opérations. Désavoué, Antoine Zacharias a aussitôt démissionné. Voilà en tous cas un exemple où la gouvernance d'entreprise (qui définit la façon dont l'entreprise est gérée) a permis l'adoption de décisions saines. En effet, une grande critique des directions est que le conseil d'administration, émanation des actionnaires de l'entreprise, est perçu comme une chambre d'enregistrement de leurs décisions. Les membres du conseil manquent souvent d'éléments pour faire leur travail de contrôle, et/ou sont souvent dépendants d'une manière ou d'une autre du PDG, en en étant client, subordonné, membre de sa famille, ou en l'ayant à son propre conseil d'administration.

L'économiste John Kenneth Galbraith (décédé très récemment) avait depuis longtemps mis en évidence le fait que les décisions se prenaient davantage au sein du management de l'entreprise (la technostructure) plutôt que du côté des propriétaires de capitaux. En conséquence, le contrôle de ces décisions est grandement lacunaire. Dans les systèmes politiques, la séparation des pouvoirs est prônée pour éviter tant les erreurs que les abus, grâce à des contrôles réciproques et des intérêts délimités. L'idée peut aussi jouer dans l'entreprise : le management doit pouvoir être contrôlé. Et après de nombreux scandales s'étant pour certains terminés en faillites monumentales (affaires Enron, WorldCom), la volonté d'assainir les processus de gouvernance d'entreprise a vu le jour, avec en particulier une mesure singulière : l'entrée d'administrateurs indépendants dans les conseils d'administration, détachés des liens et pressions du management et des actionnaires, veillant uniquement à la bonne gestion de l'entreprise. De nombreuses autres pistes sont explorées, et ont été prônées, notamment dans le cadre du rapport Bouton (PDG de la Société Générale).

Dès lors, il devient très encourageant de s'apercevoir que dans le cas précis de Vinci, le conseil d'administration a réussi à garder la tête froide en s'opposant aux décisions d'Antoine Zacharias, qui abusait de l'argent de l'entreprise par cupidité. C'est un fait remarquable, et il est à espérer que le capitalisme français progresse dans cette direction.

mardi 6 juin 2006

Le prix des régularisations

C'est une surprise, Nicolas Sarkozy a décidé que les élèves nés et scolarisés en France se trouvant en situation irrégulière seront régularisés, ainsi que leur famille. Le ministère de l'Intérieur veut qu'il y ait des critères précis pour accepter ces régularisations, afin d'éviter les appels d'air que cela générerait auprès d'autres immigrés. Il faut dire que ce qui se passe dans d'autres pays d'Europe nous incite à être vigilant.

Ainsi, depuis une régularisation massive de plusieurs centaines de milliers de clandestins en Espagne suite à l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement socialiste, ce pays est vu comme un pays qui accepte facilement l'immigration, encourageant de ce fait le départ de milliers de jeunes gens de leur pays d'origine. Les enclaves espagnoles en Afrique de Ceuta et Mellila se sont ainsi vues assiégées par des milliers de personnes. Puis, lorsque la fermeté des frontières a été rétablie, ce fut au tour des îles Canaries de voir l'afflux de milliers d'immigrés arrivant par bateau, dépassant tellement les capacités d'accueil qu'ils arrivèrent à être envoyé dans la métropole espagnole. Pourtant, l'Espagne n'a pas de place à offrir à toutes ces personnes, ni d'ailleurs le reste de l'Europe. A Calais, des centaines de clandestins vivent dans la même misère que celle qu'ils ont quittée dans leur pays d'origine. Il y a une sorte de mirage, d'eldorado de pacotille qui s'est formé dans l'esprit de ceux qui souhaitent émigrer clandestinement en Europe : ici, ils vivront une vie meilleure.

C'est pourtant loin d'être une possibilité certaine. Déjà, le choix de la clandestinité implique une faute originelle : quel peut être le signal d'intégration lorsque l'arrivée même sur un territoire est entachée d'illégalité ? Ensuite, les économies européennes sont loin d'avoir la croissance suffisante pour employer tous les bras disponibles des pays pauvres. Il y a bien quelques économistes fantasques qui réclament de l'immigration en invoquant le choc démographique que représentera le papy boom, mais au vu de la persistance du chômage en France ou en Allemagne par exemple, on peut douter qu'il y ait vraiment une forte de travailleurs étrangers. Et si cela venait vraiment à se produire, il sera toujours possible de réexaminer la situation. Mais dans ce cas, les travailleurs venus d'autres pays européens auraient la priorité, étant donné qu'il existe déjà des accords de libre circulation des travailleurs au sein de l'Union Européenne. Enfin, chaque vague d'immigration massive rend plus difficile l'assimilation de chaque immigré au sein de la communauté nationale. L'idéal étant, en effet, que chacun épouse complètement la culture du pays d'accueil, l'existence d'importantes communautés étrangères qui s'identifient en tant que telle n'est pas la meilleure chose.

Dans la mesure où l'immigration massive n'est donc pas souhaitable pour les pays d'accueil, elle ne l'est pas non plus pour les immigrés. Certes, il existe quelques success stories, mais la majorité n'aura à faire face qu'à une pauvreté plus ou moins prononcée. Le maintien dans la pauvreté et l'abandon nécessaire de la culture d'origine ne sont pas forcément des choses qu'il leur faut souhaiter. Au contraire, il est préférable d'informer les candidats au départ de la voie sans issue dans laquelle ils vont s'engager. Et en parallèle, aider leur pays à se développer, ou bien parfois les aider à se débarrasser des éventuels dictateurs qui sont la seule origine de leur pauvreté. Quoi qu'il en soit, encourager l'immigration clandestine ne fait qu'apporter des ennuis à tout le monde, immigrés comme accueillants. On peut dès lors s'interroger sur le sens des responsabilités du nouveau gouvernement Prodi en Italie, qui souhaite commencer son mandat par une régularisation massive d'immigrés clandestins et alléger les contrôles à ses frontières, favorisant ainsi l'immigration clandestine.

lundi 5 juin 2006

Droits homosexuels : quel est le problème ?

A cette question, il ne semble pas y avoir de réponse évidente. Les associations communautaires homosexuelles souhaiteraient que les relations de ce type soient banalisées. Pour ce faire, elles souhaiteraient que les homosexuels puissent se marier ou avoir des enfants, comme n'importe qui. On peut déjà se féliciter que le débat se fasse aujourd'hui sur de telles possibilités, alors qu'il n'y a pas si longtemps, les homosexuels étaient persécutés, ou au mieux, montrés du doigt. De nos jours, l'homophobie, bien qu'elle existe encore, est clairement condamnée. Et l'on se pose la question de savoir si les homosexuels peuvent avoir de nouveaux droits, et nul ne songe à les sanctionner pour ceux qu'ils sont. En l'occurrence, ils aimeraient vivre leur amour au grand jour, ce qui passe par une union civile, pour que leur conjoint aient des droits sur eux (comme l'héritage, la prise de décision dans les moments difficiles, la prise en compte par l'administration de leur vie en communauté avec un lien sentimental). Sans oublier bien sûr la force symbolique que représente l'union civile, et la célébration qu'elle permet.

Un premier pas a été fait dans ce sens avec l'instauration du PACS. Celui-ci se révèle semble-t-il incomplet néanmoins, et avouons-le, n'a pas la même connotation romantique que le mariage. Mais le mariage reste encore hors de portée des homosexuels. Pourquoi ? L'argument religieux peut difficilement jouer, dans la mesure où il n'est pas question que ce soient des mariages religieux, célébrés dans le cadre d'églises ou de temples. Si une religion ne reconnaît pas l'homosexualité comme une de leur composante, le principe de laïcité empêche évidemment qu'on puisse les forcer à le faire. Mais ce même principe empêche également que les doctrines religieuses influent sur la législation de l'Etat. Or nous ne parlons uniquement de mariages civils, célébré à la mairie. Le mariage homosexuel a été instauré en Belgique ou en Espagne sans aucune difficulté, ni aucun trouble à l'ordre public. Ce n'est donc pas comme s'il représentait un danger... Si une mesure peut faire du bien à quelqu'un sans causer le moindre tort à autrui, pourquoi devrait-on la refuser ? C'est pourtant de cette catégorie de loi que relève l'instauration du mariage civil pour les homosexuels.

Aux Etats-Unis, certains républicains essaient d'établir une loi fédérale interdisant le mariage homosexuel. Il y a déjà 37 Etats qui l'ont refusé, et un seul qui l'a promulgué (le Massachusetts). San Francisco l'avait autorisé, avant d'en être empêché par décision gouvernatoriale. Les raisons qui sont invoquées en faveur de l'interdiction dans ce débat sont le respect de la religion et de la tradition familiale. Ce sont des vues pour le moins étranges... Car elles relèvent d'une logique qui considère que l'homosexualité est une chose honteuse qui devrait être combattue, à l'instar d'une maladie... ou d'un délit naturel. La Bible condamne en effet l'homosexualité, et il est vrai que là bas il n'y a pas de laïcité érigée en principe fondateur de la République. C'est tout de même se tromper lourdement sur ce qu'est l'homosexualité : c'est un état de fait chez les personnes concernées, qui ne peut être "guéri", tout au plus caché. Mis à part ça, un homosexuel peut avoir les mêmes défaut et les mêmes qualités qu'un hétérosexuel. Certes, cela ne relève pas des moeurs "dominantes". Mais il n'y aucun danger à banaliser les homosexuels, car ce n'est pas comme une religion : personne n'est converti à l'homosexualité, ceux qui le sont sont nés ainsi.

Un autre argument parfois évoqué est celui de l'homoparentalité : le mariage homosexuel serait la voie vers l'autorisation d'avoir des enfants pour les homosexuels. Et alors ? Ils peuvent déjà en avoir, par leurs propres moyens : ce peut être des parents qui font leur coming-out après la naissance de leurs enfants, ou bien ils peuvent en faire en commun accord avec des amis. Peut être il y a-t-il un fantasme selon lequel un enfant élevé par des homosexuels le deviendrait lui aussi nécessairement. C'est absurde, il a été prouvé qu'il n'y avait aucune incidence, et l'homosexualité ne relève pas d'un héritage sexuel. On peut peut-être mieux comprendre ceux qui pensent que la meilleure façon d'élever des enfants est la famille traditionnelle, avec un père et une mère ? Ce n'est pourtant pas un obstacle insurmontable pour élever un enfant, et à travers les familles où les parents étaient divorcés, ou bien où l'un des parents était décédé, on a vu qu'il était possible de grandir de façon saine. L'important en somme, est que l'enfant soit aimé. Et à ce niveau là, une famille "traditionnelle" n'est pas une garanti que l'enfant soit élevé d'une façon impeccable, car des situations d'enfants battus arrive autant dans ces familles là que dans les autres. Quant à l'adoption, il serait absurde de refuser à un orphelin la possibilité d'avoir des parents sous le prétexte qu'ils sont homosexuels. La vraie catastrophe est qu'un enfant n'ait pas de parents...

En somme, il n'y a aucun argument solide qui puisse être opposé au mariage homosexuel ou à l'homoparentalité. Pourquoi donc tant de controverses ? On peut imaginer qu'il faut du temps pour que les mentalités changent, et dans ce cas nous sommes dans la bonne direction. Très bientôt, l'homosexualité se sera suffisamment banalisée pour ne plus à avoir à défendre des droits, qui iront d'eux-mêmes.

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