Réflexions en cours

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mardi 25 octobre 2011

Le cas Pulvar

Le fait que la journaliste Audrey Pulvar se soit affichée aux côtés de son compagnon Arnaud Montebourg lors de la clôture de la campagne présidentielle de celui-ci a pu légitimement faire débat. Auparavant, il n'y avait que la question des liaisons entre journalistes et hommes politiques. Anne Sinclair, Christine Ockrent, Béatrice Schönberg, Valérie Trierweiler... les cas similaires ne manquaient pas. On se demandait alors si une journaliste pouvait rester neutre politiquement parlant, tout en ayant une relation affective avec un homme politique forcément engagé d'un côté. Ce n'est pas impossible, cela dépend du professionnalisme de la journaliste en question. Après tout, il y a des journalistes qui ont des problèmes avec la neutralité politique, même en ne partageant pas la vie de politiciens. Dans le cas d'Audrey Pulvar, c'est encore assez différent des situations précédentes. Non seulement elle est en relation avec Arnaud Montebourg, mais en plus elle est apparue à un meeting politique du côté des engagés, et non des journalistes. L'illusion de la neutralité n'est donc plus possible.

Néanmoins, il faut bien avouer que cette illusion ne tenait pas auparavant non plus. Quand elle présentait le Soir 3 en tandem avec Louis Laforge, elle formait un duo rigoureux et peu attaquable. Mais quand elle prit seule les commandes du 19/20, elle se révéla être une journaliste nettement engagée à gauche. Que ce soit au niveau des choix de rédaction ou de sa façon de mener les interviews, il était difficile de ne pas remarquer ses préférences idéologiques, et sa volonté de présenter une réalité biaisée. Elle s'en cachait d'autant moins qu'elle n'était pas la dernière à manifester contre le gouvernement. Et on retrouve également cet engagement dans ses choix de carrière : France 3, i-Télé et France Inter, soit uniquement des médias orientés à gauche. Cela a au moins une certaine cohérence.

Aujourd'hui, Audrey Pulvar a deux activités. D'une part, elle est polémiste dans l'émission de Laurent Ruquier, On est pas couché. Son tropisme de gauche n'y pose pas problème, c'est même la raison de sa présence. A l'instar de Eric Naulleau et d'Eric Zemmour précédemment, elle forme un duo avec une polémiste de droite, Natacha Polony, ce qui permet un certain équilibre. D'autre part, elle présente la tranche d'informations de France Inter de 6h à 7h. Cette fois, c'est plus délicat. Une journaliste engagée politiquement peut-elle assurer la présentation des informations, avec tous les biais que cela suppose ?

Pour France Inter, la réponse est oui. Mais pour travailler à France Inter, mieux vaut être de gauche de toute façon. Sur France Inter, la gauche est à l'honneur toute la journée, et Stéphane Bern confiait récemment avoir quitté la station car elle ne le considérait pas assez conforme avec les valeurs d'une certaine gauche. La présence d'Audrey Pulvar n'est donc en aucun cas une anomalie, et la vraie question est surtout de savoir s'il est normal que l'argent des contribuables finance un groupe médiatique aussi politiquement marqué. Un véritable service public médiatique devrait s'adresser à tout le monde, plutôt qu'à la seule gauche satisfaite d'elle-même.

Reste la question de la déontologie personnelle. En avril 2006, un homme politique dénonçait le "conflit d'intérêts évident" à propos du lien entre Béatrice Schönberg et Jean-Louis Borloo. Il rajoutait " Dans le monde politico-médiatique actuel, ceux qui ont le pouvoir se permettent de piétiner les règles du jeu. Il est temps que cela change !" L'homme politique en question ? Arnaud Montebourg. S'il était cohérent avec lui-même, il serait le premier à demander le retrait de sa compagne de l'antenne, ou à cesser son propres engagement politique. Cela reste un très gros "si".

Image : AFP

mardi 4 octobre 2011

Pacte avec le diable pour les collectivités locales

Le président du conseil général de Seine Saint-Denis, le socialiste Claude Bartolone, est vent debout contre des emprunts aux collectivités locales qu'il qualifie de "toxiques". Dans son département, son prédécesseur communiste avait emprunté des sommes importantes à taux variable. Le taux évolue en fonction des variations de cours de monnaies étrangères. Et avec les difficultés budgétaires européennes et américaines, le franc suisse devient une monnaie refuge, et son envolée multiplie considérablement les intérêts demandés aux collectivités locales qui ont souscrit de tels emprunts. De nombreuses communes se retrouvent en conséquence dans des situations budgétaires graves à cause de cela, et Claude Bartolone ne veut plus payer tant que ses procès contre les banques n'auront pas abouti.

Les principaux coupables de cette situation dramatique ne sont pourtant pas les banques, mais bien les collectivités coupables. En finance, on dit qu'un prêt est toxique quand le risque de ne pas être remboursé est très élevé. Ici, le problème, c'est le taux variable. Il en est de même pour les collectivités locales que pour les particuliers : les prêts à taux variables sont par définition risqué, et c'est donc un risque pris en connaissance de cause. On peut difficilement ensuite reprocher à une banque sa propre signature sans avoir lu les petites lignes. Un particulier doit déjà être prudent, la plupart des collectivités locales ont du personnel pour étudier ce genre d'affaires. Et dans le cas de la Seine Saint-Denis, le véritable problème pourrait bien d'avoir été dirigé par des communistes, idéologiquement peu intéressés par l'optimisation financière.

Si les banques sont si diaboliques, il ne faut tout simplement pas signer de pactes avec elles. Les politiques publiques "généreuses" oublient trop souvent qu'un manque de rigueur budgétaire nécessite d'emprunter pour terminer un exercice, et qu'en conséquence, on est alors soumis à des obligations. Dans ce cas, mieux vaut savoir précisément à quoi l'on s'engage. On peut bien ensuite créer des commissions d'enquête pour trouver des coupables, mais on gagnerait du temps en présentant des miroirs aux responsables locaux concernés.

Le plus singulier dans cette histoire, c'est que l'on ne peut même pas accuser la cupidité des banques privées aux mains de la bourgeoisie. La principale banque mise en cause par Claude Bartolone pour ces crédits est Dexia, spécialiste du crédit aux collectivités locales, qui est majoritairement détenue par des organismes publics français et belges. Dexia, qui a été si mal gérée, et dont la situation financière est si mauvaise qu'elle actuellement en voie de démantèlement. Dexia, dont la situation inquiète aujourd'hui le même Claude Bartolone, qui craint un affaiblissement du financement des investissements locaux...

dimanche 2 octobre 2011

Une incroyable disparition des professeurs... dans les classes seulement

A l'occasion de la grève de l'Education Nationale du 27 septembre dernier, l'association SOS Education a fait une vidéo que l'on découvre progressivement.



Son propos est clair, et s'appuie sur l'état de l'école, qui compile des indicateurs donnés par l'Education Nationale elle-même, datant d'il y a moins d'un an. Les grévistes demandaient davantage de moyen pour l'Education Nationale, et protestaient contre la diminution du nombre d'enseignants. SOS Education veut montrer qu'il y a déjà largement suffisamment d'enseignants, et que c'est plus un problème de méthode qu'autres choses. Vérifions ce raisonnement.

D'après l'état de l'école, début 2010, il y avait 852 907 enseignants, relevant tant du primaire que du secondaire, du public que du privé. Ce chiffre est corroboré par les indicateurs de l'INSEE, qui permet d'en comprendre la répartition : 368 928 enseignants dans le primaire, et 483 979 enseignants dans le secondaire
. Par le même moyen, on sait qu'il y 6 647 000 élèves dans le primaire, et 5 332 000 élèves dans le secondaire. Le total est donc de 11 979 000 élèves, correspondant aux 12 millions indiqués par SOS Education.

11 979 000 divisé par 852 907 donne bien 14 élèves par classe. Dans la réalité, on en est loin. On continue donc de chercher ce qui créé cette différence. Dans le primaire, il n'y a normalement qu'un seul professeur par classe. 6 647 000 élèves divisés par 368 928 donnent une moyenne de 18 élèves par professeur, et donc par classe. Dans le secondaire, c'est plus compliqué, vu qu'un professeur, suivant s'il est certifié ou agrégé, fera 15 ou 18 heures. Arrondissons une moyenne pondérée largement en dessous, et disons un temps de cours de 17 heures par professeur.

Si l'on fait la moyenne des heures de cours reçues par chaque élève dans le secondaire, sans option (et en se basant sur les voies générales au lycée), on arrive à un chiffre de l'ordre de 26 heures de cours. Le ratio de professeurs nécessaires par classe (pour faire ce nombre d'heures) est donc d'environ 1,5. Or 5 332 000/(483 979/1,5) donne 16,55 élèves par classe. Que ce soit en primaire ou dans le secondaire, il ne devrait donc pas y avoir de classes surchargées, et SOS Education a raison sur cet argument que l'on vérifie sans peine.

Alors, où passe la différence ?

La vidéo de SOS Education pointe quelques éléments. Elle ne parle pas du banal absentéisme, qui semble toucher les professeurs en plus des élèves. On découvre ainsi que les congés maladie sont bien plus fréquents dans l'Education Nationale qu'ailleurs, n'étant pas contrôlés. Il faut tenir également compte des stages et formalités demandés par l'Education Nationale aux profs, mais à vrai dire, les absences courtes sont rarement remplacées au pied levé (et ne demandent donc pas d'enseignants supplémentaires).

Dans le secondaire, les options semblent nécessiter des effectifs d'enseignants considérables, et, en rapport avec leur utilité, représentent donc un gaspillage financier de premier ordre. Les décharges, syndicales ou non, sont également pointées du doigt, et devraient être supprimées : un salarié doit être rémunéré par l'organisme qui l'emploie réellement. Par ailleurs, de nombreux professeurs sont tout simplement mis au placard s'ils sont trop mal notés : ils ne peuvent être virés, mais restent rémunérés.

Le gouvernement peut donc encore largement continuer à tailler dans les effectifs de l'Education Nationale, à charge pour lui de savoir réorganiser tout cela et de mettre fin aux gabegies qui l'empoisonnent de toute évidence. A ce titre là, il pourrait même réussir l'exploit de faire baisser le nombre réel d'élèves par classe, tout en diminuant le nombre de professeurs.

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