Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 21 mai 2008

Le football n'est pas raciste

Aujourd'hui, le journaliste Jean-Yves Guérin était interrogé sur Europe 1 pour la sortie de son livre "Noirs en bleu". Si le titre permet un jeu de mot, le sous-titre "Le football est-il raciste" explicite grandement le contenu de l'ouvrage, puisque si celui-ci répondait par la négative à la question, celle-ci ne se serait pas posée de cette façon. Et voilà donc le football accusé d'être raciste, les grands mots sont facilement sortis. Dans son entretien radiophonique, l'auteur avoue qu'avec sept noirs sur onze joueurs le soir de la finale de l'équipe de France, "tout va bien", c'est une réussite. Par contre, du côté des entraineurs et des dirigeants, il manquerait encore des représentants des minorités visibles. Sans le dire, le milieu du football ne ferait pas de place en dehors de terrains aux joueurs noirs. La preuve, assène l'auteur, Bernard Lama, ancien grand joueur du PSG et champion du monde en 1998, ne trouverait pas de club à entraîner alors que Didier Deschamps et Laurent Blanc sont devenus des entraîneurs emblématiques. Mais qu'à cela ne tienne, Frédéric Thiriez, président de la Ligue de Football Professionnelle, est partisan de la discrimination positive pour qu'il y ait plus d'entraîneurs issus des minorités visibles.

Un tel livre est surprenant. Le raisonnement est même complètement ahurissant. N'importe qui regardant n'importe quel match de football professionnel pourra constater de ses yeux que les minorités visibles sont très bien représentées dans le football, et qu'aucune équipe n'a de problème à travailler avec des joueurs de n'importe quelle couleur. Certaines personnes se sont mêmes émues que l'équipe de France de football n'était plus représentative de la société française, la minorité visible y étant devenue blanche. Les hooligans vraiment racistes sont bien obligés de soutenir des joueurs provenant de n'importe quel horizon, à moins d'être amenés à quitter les stades. La tendance est somme toute récente : si en France, de nombreux joueurs ont souvent eu des origines immigrées, ce n'est qu'au cours des dix dernières années que les minorités visibles sont devenues aussi prépondérantes dans les équipes de football. La génération active actuellement n'a pas encore passé de brevets d'entraineurs.

Le fait qu'il n'y a pas de mauvaise représentation, et donc aucune preuve de discrimination. L'auteur avance qu'il n'y a actuellement qu'un seul président de club et un seul entraîneur noirs en Ligue 1. Un seul pour chacune de ces fonctions ? Mais étant donné qu'il y a vingt clubs en Ligue 1, cela fait 5 %. C'est déjà plus que la proportion de noirs dans la population française, qui, d'après une étude réalisée par Tns-Sofres commandée par le CRAN, est de 4 %. Voilà un élément qui a tendance à être oublié, pour de nombreuses personnes, les minorités visibles seraient sous-représentées dans de nombreux compartiments de la société, alors que souvent, c'est l'importance quantitative de ces minorité visibles qui est sur-estimée dans les esprits de ceux qui font ce genre de reproche. Faut-il alors nécessairement qu'il y ait 7/11ème des postes qui soit occupé par des minorités visibles dans tel ou tel métier pour qu'enfin, on se satisfasse de la représentativité ainsi réalisée, et que l'on considère que la situation n'est plus une preuve de racisme ? A force de chasser le racisme de façon obsessionnelle, les tenants de ce combat finissent par le voir partout, sans commune mesure avec la réalité.

Et pour en revenir à Bernard Lama, celui-ci a certes été un grand joueur, mais pas du calibre que Didier Deschamps ou Laurent Blanc. Quand Bernard Lama n'a pas disputé une seule minute de la coupe du monde qu'il a remporté, les deux autres étaient respectivement capitaine et vice-capitaine de l'équipe de France. Bernard Lama n'est pas victime de discrimination, mais vit seulement le quotidien des entraîneurs. André Boghossian et Lionel Charbonnier aussi ont été champions du monde avec les bleus en 1998 et n'entrainent pas de grands clubs. Laurent Blanc aussi a passé plusieurs années sans club avant d'entraîner les Girondins de Bordeaux. Bernard Lama n'est tout simplement pas victime de discrimination.

Et d'ailleurs, il est curieux d'entendre l'auteur affirmer que la France est plus raciste que les autres pays d'Europe, alors que ceux-ci se démarquent par l'absence de joueurs provenant de minorités visibles dans leurs équipes nationales. Il n'y a pas que la France qui reçoive des flux d'immigrés, mais en Italie, en Allemagne, en Espagne ou en Italie, les équipes sont quasiment totalement blanches. L'auteur affirme que ce serait la preuve que ces pays font davantage de places aux minorités visibles dans le reste de la société, notamment dans les médias ou le monde économique. Mais de qui parle-t-on ? Les voisins de la France n'offre pas plus de place qu'elle aux minorités visibles dans le patronnat. La rhétorique déployée ici, c'est surtout de s'en prendre à bon compte à la France avec des accusations aussi violentes qu'injustifiées. Nul doute que cela assurera aux auteurs du livre de nombreux passages médias, mais ils font certainement plus partie du problème que de la solution.

vendredi 9 mai 2008

Le statut des journalistes

L'AFP s'émeut bruyamment que Nicolas Sarkozy ait osé la critiquer lors d'une réception des députés de la majorité à l'Élysée. L'objet de la polémique est la non diffusion par l'agence d'un communiqué de l'UMP concernant la condamnation de Ségolène Royal. L'opposition a aussitôt rebondi sur le sujet, s'en prenant aux atteintes à la liberté de la presse qui seraient selon elle commise par le Président et le gouvernement. Le couplet de la démocratie en danger a été une fois de plus joué en réaction totalement disproportionnée avec l'événement initial. La liberté de la presse est une conséquence directe de la liberté d'expression. Chaque journal, chaque média, chaque agence de presse peut librement publier les nouvelles et les opinions qui lui conviennent. Mais si la presse bénéficie de la liberté d'expression, pourquoi en serait-il autrement de la part des hommes politiques ? Un responsable de la majorité n'aurait ainsi plus le droit de dire ce qu'il pense de la presse, à moins d'être immédiatement accusé de pressions politiques ? En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un simple responsable de la majorité, mais du Président de la République. Si la charge est importante, l'élection ne lui a pas ôté le droit de s'exprimer comme il l'entend. De la même façon que l'AFP est libre de sélectionner les informations qu'elle diffuse en fonction de sa ligne politique, les personnalités politiques peuvent librement répondre à la presse.

La liberté de la presse n'est pas menacée. Ce constat est facile à faire, il suffit de regarder la production française. Il n'y a aucune disposition juridique qui empêche la création d'un nouveau journal, en format papier ou en ligne, et les titres se créent. La diversité des opinions est grande dans la presse française, et ceux qui croient que le pouvoir politique étouffe le pouvoir journalistique oublie tout simplement de regarder autour d'eux le nombre impressionnant de publications hostiles au gouvernement en place. Un hebdomadaire comme Marianne peut titrer autant qu'il veut sur la soumission des médias, son existence même est une preuve de la fausseté de cette thèse.

Il y a pourtant bien quelques mesures qui font dépendre les journaux et les journalistes de l'État. Il s'agit en premier lieu des aides à la presse, qui regroupent toute une gamme de soutiens directs (flux financiers) et indirects (tarifs privilégiés, TVA réduite) à des journaux. Ce genre de mécanisme n'est pas sain, et représente une menace sur l'indépendance éditoriale rarement évoquée, contrairement aux questions de possession du capitale, dans la mesure où cela peut être un mécanisme de pression direct du gouvernement envers les journaux.

Un autre sujet est tabou dans la presse française, et il s'agit là d'une omerta maintenue dans le but de préserver des intérêts catégoriels. Le statut des journalistes leur accordes des privilèges fiscaux qui ne sont plus justifiés depuis longtemps. Un journaliste peut ainsi déduire 7 650 euros de ses revenus imposable dans le calcul de ses impôts, du seul fait qu'il exerce cette profession. Voilà une niche fiscale que le gouvernement serait bien inspiré de supprimer, au nom de l'équité entre les Français. Alain Juppé, Premier ministre en 1996, avait bien tenté d'y mettre fin de façon progressive (sur cinq années). Il avait alors du faire face à un conflit mené par l'ensemble de la profession pour la défense de ses privilèges, invoquant la liberté de la presse pour conserver un avantage acquis injustifié et coûteux pour la collectivité. A l'époque, un bon nombre de journalistes étaient même fiers de menacer de boycott médiatique les députés se prononçant pour une telle mesure. Cela démontrait la haute opinion de la mission d'information que ces personnes avaient.

Aujourd'hui, rien n'a changé. La presse est bien menacée, non pas par le pouvoir politique qui restera encore pour longtemps "interdit" de dire quoi que ce soit sur les journalistes, mais par une situation économique difficile. Pour autant, les titres de presse ne se remettent pas en cause, refusant ainsi de comprendre ce qui leur a valu la désaffection des lecteurs. Ils n'osent pas non plus remettre en cause le monopole du syndicat du livre CGT, qui grève le modèle économique de toutes les entreprises du secteur. A évoquer la liberté de la presse pour parler de choses où elle n'est pas en jeu, les journalistes semblent se tromper de priorité.

free hit counter