Réflexions en cours

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dimanche 30 septembre 2007

Démocratiser la culture

C'est à peu près le but de tous les ministres de la culture qui se sont succédés : démocratiser la culture, pour que se résorbe une partie du déficit en capital culturel qu'a une grande partie de la population vis-à-vis de la population. Actuellement, la principale mesure à l'étude pour y arriver serait d'instituer la gratuité des musées. Une telle mesure serait évidemment coûteuse, et de surcroît elle ne serait peut-être pas justifiée. En effet, pour les plus grands musées français, les rentrées financières représentées par la vente de billet permettent non seulement l'entretien de ces musées, mais aussi le financement d'autres musées ou monuments non rentables à eux seuls. De plus, ces lieux attirent de nombreux touristes étrangers, qui représentent avant tout une source d'argent pour la France, plutôt qu'un public à qui il faudrait faciliter l'accès à la culture. Surtout, les musées ont d'ores et déjà une grande panoplie de réductions en tous genres pour rendre peu coûteux la visite au public. De nombreux musées, comme le Louvre ou le musée d'Orsay, sont déjà totalement gratuits le premier dimanche du mois, et le Château de Versailles, qui est également un lieu de culture, est gratuit pour tous les mineurs. Christine Albanel, l'actuelle ministre de la culture, doit bien le savoir, puisqu'elle était présidente de l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles avant d'entrer dans le gouvernement. Forte de cette expérience, elle a choisi une voie sage en ne faisant qu'expérimenter cette gratuité pendant un semestre dans des musées de petite taille, qui attirent avant tout un public local.

Dans le cadre d'une politique culturelle, il faut bien distinguer les natures des réticences du public vis-à-vis de la culture. Il y a deux situations qui empêchent l'accès à la culture : d'une part elle est considérée comme trop cher, d'autre part, il y a souvent un grand manque d'envie de se cultiver, dans le sens de la culture telle que l'entend l'élite qui déplore le manque de culture du reste de la population. Dans le domaine de la culture, les élitistes aimeraient bien que leur passion soit partagée par tous. Ils imaginent que le faible accès à la culture résulte soit d'un manque de l'offre, soit d'un manque de moyens. C'est parfois vrai, mais cela a des limites. Tout le monde ne souhaite pas forcément regarder des opéras, des pièces de théâtre d'art expérimentales ou contempler des œuvres d'art moderne. De la même manière, les musées devenus gratuits, ne représenteront pas forcément une destination privilégiée de loisirs pour la population. Nombreux sont ceux qui déplorent le niveau des programmes de télévision, mais ils oublient souvent que depuis une quinzaine d'années maintenant, Arte propose chaque soir des programmes culturels ou d'un niveau élevé. Seulement, son audience tourne la plupart du temps autour des 5 % de parts de marché. Et sur les autres chaînes du service public, passer de la musique classique, des classiques du théâtre ou de l'opéra se traduit presque invariablement par une désaffection du public. L'intérêt pour les documentaires est variable, selon la façon dont ils sont réalisés. Si la diffusion de tels programmes est nécessaire pour laisser une liberté de choix, son manque de succès montre néanmoins la limite du fait de vouloir "cultiver" de force la population en ne lui laissant pas le choix de ses distractions.

C'est quelque chose dont il faudrait tenir compte lorsque l'on parle de politique culturelle. Si la diversité de la création culturelle est souhaitable, cela ne suffit pas à justifier certaines subventions publiques vers des œuvres qui ne trouvent grâce qu'auprès d'une infime minorité du public. Il est par exemple étonnant que les pouvoirs publics achètent des monochromes pour les compter ensuite au patrimoine national, ou subventionnent certaines pièces de théâtre sans tenir compte de leur affluence. Dans ces temps de réduction de la dépense publique, le mieux est encore de concentrer le budget de la culture vers l'accès au patrimoine commun qui s'est formé au fil des siècles, plutôt que de faire vivre artificiellement une création qui n'intéresse parfois que les créateurs. A ce titre, le rôle des bibliothèques est tout à fait fondamental, pour que ceux qui souhaitent accéder à la connaissance n'en soit pas empêchés. Il est également possible, dans le but justement de démocratiser la culture, d'adopter des mesures peu coûteuses qui bénéficieraient au public, comme la fin du prix unique du livre. Aujourd'hui, les livres qui ne sortent pas en livres de poches ont des prix peu attrayants pour une majorité du public. Peut-être la concurrence entre les différents distributeurs pourrait contribuer à diminuer le prix des livres, et donc que les volumes écoulés soient plus élevés ?

Photo : Didier Plowy/MCC

samedi 22 septembre 2007

La légitimité du pouvoir judiciaire

La séparation des pouvoirs distingue nettement le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Elle permet d'éviter une dangereuse concentration des pouvoirs dans les mains d'une seule personne, et donc protège le peuple du totalitarisme. Mais ces derniers temps, de nombreuses polémiques éclatent, où le pouvoir judiciaire reproche à l'exécutif de tenter d'interférer dans son fonctionnement, et de ne pas respecter de fait cette séparation. Le torchon brûlait déjà entre les magistrats et Nicolas Sarkozy, lorsque celui-ci était ministre de l'Intérieur. Depuis que ce dernier est devenu Président de la République, et donc Président de la République, les mêmes récriminations perdurent, surtout depuis que Rachida Dati est devenue ministre de la Justice en voulant appliquer la volonté présidentielle. Il faut dire que les syndicats de magistrats ont des avis sur tout ce qui touche la justice française : après avoir vaillamment défendu le juge Burgaud lorsqu'il s'est avéré que celui-ci avait mené une instruction exclusivement à charge dans l'affaire d'Outreau, ils ont combattu la plupart des lois demandées par Nicolas Sarkozy pour combattre l'insécurité, et contestent farouchement le fait que l'on puisse ne pas être d'accord avec une décision de justice. Ainsi, chaque remarque faite par un membre du Parlement ou un ministre sur les décisions rendues par les tribunaux est considérée comme une tentative d'influencer le système judiciaire français, et donc de ne pas respecter la séparation des pouvoirs. En même temps, la loi de la peine plancher sur les multi-récidives est combattue dans la mesure où les juges ont moins de latitude pour fixer la peine, certains juges préfèrent même ne pas reconnaître consciemment certains faits pourtant avérés pour ne pas voir cette nouvelle loi s'appliquer, et lorsqu'un procureur exprime sa volonté de ne pas appliquer la loi, les syndicats de magistrats s'émeuvent que l'on puisse considérer cela comme anormal.

Les juges peuvent alors se demander pour quelle raison leurs concitoyens commencent à se méfier de plus en plus de leur système judiciaire. Car en agissant ainsi, les magistrats laissent penser qu'ils ne sont plus là pour appliquer la loi, mais pour mettre en œuvre leur propre vision de la Justice. Or s'ils veulent s'attribuer un véritable pouvoir politique, encore faudrait-il qu'ils en aient la légitimité. Dans ce cas, quelle est la légitimité des magistrats pour agir ? En partant du principe que la légitimité est issue du peuple, le lien n'est pas toujours évident. Pour les magistrats du parquet, il s'agit de représentants du ministère public. Ils ne sont pas formellement indépendants, leur légitimité venant de l'administration du ministère de la justice. Dans les cours d'assises, les conseils de prud'hommes ou les tribunaux de commerce, les décisions rendues sont prises par respectivement des membres de jurys tirés au sort dans le corps électoral et des personnalités élues par leurs pairs, au sein de la société civile. Pour d'autres juridictions, telles que les tribunaux correctionnels, il n'y a qu'un juge professionnel, nommé par une hiérarchie dirigée par des juges eux-mêmes élus par la base de leurs pairs. Les magistrats professionnels du siège sont donc un corps qui s'auto-gère et s'auto-contrôle, sans que le peuple n'y soit représenté d'une quelconque façon. Alexis de Tocqueville, dans la Démocratie en Amérique, évoquait le cas des juges élus qu'il avait rencontré dans son voyage de l'autre côté de l'Atlantique. Une telle possibilité n'est évidemment pas possible de nos jours en France, de par la taille du pays d'une part, de par les luttes d'influences malsaines que cela entraînerait d'autre part. Il est donc difficile de vouloir renforcer la représentation du peuple dans ce corps de magistrats professionnels du siège.

En conséquence il y a bien un manque de légitimité pour qu'ils puissent constituer un pouvoir politique. Ils n'ont donc pas à vouloir mettre en œuvre leurs propres considérations sur la société, et doivent davantage s'attacher à appliquer la loi. Le fait qu'il y ait des bornes supérieures et inférieures pour les peines à prononcer contre les multi-récidivistes n'empêche pas qu'ils ont toujours la liberté de juger de ce qu'il s'est passé, du moment qu'ils le font avec leur véritable intime conviction, et de choisir la peine dans l'éventail qui est disponible. De ce fait, leur indépendance n'est menacée d'aucune manière. Et si eux refusent que les personnalités politiques critiquent leurs propres décisions, pourquoi vouloir interférer dans le domaine politique en voulant y exercer une influence ? Il serait même possible de dire alors que l'indépendance des pouvoirs exécutifs et législatifs et judiciaires est menacée par les débordements du pouvoir judiciaire. Il est vrai que cette volonté d'appliquer son propre agenda qui apparaît chez les magistrats vient surtout de leurs syndicats. Les deux principaux, le Syndicat de la Magistrature et l'Union Syndicale de la Magistrature, sont respectivement de gauche d'un côté, et clairement pas de droite de l'autre. A prendre en permanence la parole dans les médias, ils laissent penser que la magistrature est orientée politiquement, et donc que les décisions rendues par le système judiciaire français sont biaisées ou orientées d'une certaine façon. Voilà qui n'est sûrement pas pour servir la sérénité de la justice. Il ne leur est pourtant demandé que d'appliquer la loi.

jeudi 6 septembre 2007

Une seule chaîne parlementaire

Jean-Pierre Elkabbach, le président de la chaîne Public Sénat, a récemment déclaré qu'il avait demandé au CSA d'octroyer à sa chaîne une fréquence supplémentaire sur la TNT, pour que Public Sénat et LCP - Assemblée Nationale ait chacune leur canal de diffusion, et n'ait plus à cohabiter ensemble. En effet, actuellement les deux entités se partagent le temps d'antenne, en faisant alterner les programmes produits par l'une et l'autre. Jean-Pierre Elkabbach comme Michel Richard, le président de LCP - Assemblée Nationale, se targuent d'avoir d'ores et déjà des grilles de programmes de prêtes dans cette éventualité, chaque chaîne pouvant diffuser 24 heures sur 24 dès que des fréquences séparées leur seront accordées. Cela risque de prendre du temps, car pour que des fréquences de la TNT se libèrent, il faudrait que les ondes hertziennes ne soient plus occupées que par des chaînes diffusées numériquement. D'éventuels canaux supplémentaires pourront être libérés si les six chaînes principales actuelles arrêtent de diffuser en analogique hertzien, ce qui prendra bien plusieurs années, vu que c'est encore le principal moyen de réception de la télévision par les ménages français.

Mais outre le temps que cela prendra, il y a quelque chose d'incongru dans ces demandes. Quelle est la nécessité fondamentale pour que chaque chambre du parlement ait sa chaîne dédiée diffusant 24 heures sur 24, alors que les fréquences de la TNT sont limitées en nombre ? Jean-Pierre Elkabbach pointe le caractère "hégémonique" de LCP - Assemblée Nationale, et l'on comprend alors qu'il s'agit de rivalités entre chaînes, entre frères ennemis, ou même entre institutions qui se disputent l'éclairage médiatique. Cela montre alors la vanité de l'entreprise, où chacun se bat pour sa gloire sans se demander à quoi tout cela sert-il, et ce dans l'indifférence générale. Car ni l'une ni l'autre ne souscrit aux enquêtes de mesure d'audience, le but n'étant évidemment pas d'en faire. Il s'agit avant tout d'assurer un service public. Et lorsqu'une étude tente d'évaluer le nombre de téléspectateurs du canal commun aux deux chaînes, les résultats sont tellement catastrophiques que les deux présidents montent pour l'occasion au créneau pour affirmer à l'unisson que le canal est très regardé, sans en apporter une quelconque preuve. De plus, le coût des deux chaînes a avoisiné les 22 millions d'euros en 2006, une somme en hausse de plus de 65 % sur les cinq années précédentes. On se retrouve alors avec un nouveau puit de dépenses créé pour satisfaire les égos des responsables des deux chambres du parlement, pour que chaque institution ait sa propre chaîne qui parle d'eux en permanence.

Certes, il peut être souhaitable qu'il y ait une chaîne consacrée à la citoyenneté. Les débats de chaque chambre peuvent être diffusés simultanément sur internet, et un différé n'est pas un obstacle majeur pour une chaîne parlementaire qui serait diffusé sur des canaux engendrant de véritables coûts (tels que la diffusion par le satellite ou la TNT). Fondamentalement, rien n'empêche les débats du Sénat et de l'Assemblée Nationale d'alterner sur un même canal. En outre, il est ahurissant que l'enregistrement des débats de ces deux chambres soit pris en charge par deux entités différentes. LCP-AN et Public Sénat doivent fusionner, et non pas chercher à être toujours plus divisées. Les éventuels programmes supplémentaires produits par la chaîne parlementaire doivent autant chercher la qualité que l'économie, dans la mesure où il s'agit d'abord un coût pour les finances publiques. Il est alors inutile de persévérer dans la grille actuelle des programmes, où les vedettes mises à l'antenne sont nombreuses sans que cela change l'attractivité des deux chaînes. Evidemment, une fusion de deux chaînes qui entretiennent actuellement des relations difficiles risque d'être compliquée, mais c'est la moindre des choses à faire ne serait-ce que pour économiser au mieux les ressources de l'Etat, et aussi pour calmer les rêves d'auto-promotion de chaque assemblée qui ne les sert pas vraiment au bout du compte.

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