Réflexions en cours

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samedi 26 avril 2008

L'impuissance de la loi face aux troubles alimentaires

La députée Valérie Boyer a réussi à faire adopter un projet de loi visant à réprimer l'incitation aux troubles alimentaires, ciblant ainsi les sites internet faisant l'apologie de l'anorexie. La démarche peut légitimement surprendre dans la mesure où elle amène à s'en prendre pénalement à ce qui n'est que des symptômes de troubles psychologiques. Car dans le domaine de la boulimie ou de l'anorexie, personne n'a quoi que ce soit à gagner. Les sites "pro-ana" ne visent pas à réaliser un quelconque gain ou à mettre en place une nouvelle société, ce sont surtout des manifestations de personnes victimes de ces troubles. A force de vivre ainsi, elles ont leur propre logique, leur propre univers. Ces troubles alimentaires ne viennent pas d'un désir réfléchi, d'une conviction issue d'un raisonnement logique, ils sont surtout l'expression de troubles psychologiques graves pré-existant l'apparition de ces symptomes. Les jeunes filles qui plongent dans l'anorexie ne le font pas à la suite d'incitations directes de la société, mais en conséquence de leur propre mal être. D'autres se droguent, d'autres se scarifient...

Ce n'est évidemment pas une raison de rester inactif. Les personnes souffrant de tels psychologiques doivent être soignées et aidées à retrouver le chemin d'une vie plus soutenable. Les auteurs de sites mettant en valeur l'anorexie sont des malades qui s'adressent à d'autres malades, et tous doivent être aidés, car ils se font du mal à eux et non au reste de la société. Il reste néanmoins l'énorme désarroi créé chez tout à chacun par de telles situations qui semblent incompréhensibles. En adoptant ce projet de loi, le parlement a voulu croire être capable de changer les choses dans des domaines qu'il ne maitrise pas. C'est là l'expression d'une stupeur parmi les responsables politiques.

Car lorsque qu'une adolescente se fait vomir tout en sachant qu'elle met en péril sa santé, que sa maigreur sera considérée comme laide par le reste des gens, et qu'au fond d'elle elle sait que cela ne lui apporte aucun bonheur, on n'est définitivement plus dans le domaine du rationnel. Lorsqu'une jeune personne se taillade la peau comme conséquence d'une crise d'angoisse, elle sait qu'elle n'en tirera rien. Mais elle le fait quand même. Dès lors, que peut faire un projet de loi visant à cacher davantage les symptomes des troubles psychologiques souvent tenus secrets par ceux qui sont concernés ?

mercredi 23 avril 2008

Quelques questions posées par la grève des sans-papiers

Des sans papiers font grève dans l'espoir d'être régularisés. Voilà un fait qui pose un bon nombre de questions : pour commencer, pourquoi en parle-t-on autant ? Ils ne sont que quelques centaines dans la région parisienne, mais ils ont réussi leur happening médiatique, en attirant la presse toujours à la recherche de quelque "lutte sociale". Après tout, rien ne les empêche de le faire, et en faisant cela ils ne gênent pas grand monde. C'est donc de bonne guerre. La question qui suit est plus fondamentale : pourquoi faudrait-il faire quelque chose face à cette situation ? A vrai dire, cela amène également la question "comment cela est-il possible ?". Car si le droit de grève est légal, il suppose de travailler pour l'exercer. Or les sans papiers n'ont justement pas le droit de travailler en France. En fait, et c'est même la définition de leur condition, ils n'ont de toute façon pas le droit de résider en France. Dès lors, comment en arrive-t-il à avoir un travail qu'ils n'exercent plus pour demander à rentrer dans l'illégalité ?

Ce genre de questions est peu posé dans les reportages qui leurs sont consacrés. On apprend néanmoins qu'ils ont généralement eu leur emploi en produisant de faux papiers, ce qui ne semble émouvoir personne, et ne leur pose aucun cas de conscience quant à l'augmentation du nombre de lois enfreintes. D'une façon assez intéressante, l'employeur est présenté comme le responsable de cette situation car il a accepté ces faux papiers lors de l'embauche. Son rôle se révèle d'ailleurs être trouble, car il apparait en effet qu'un certain nombre d'employeurs de sans papiers les soutiennent, accréditant l'idée selon laquelle ils sont leurs complices. Dans toute cette affaire la loi est ainsi bafouée en long, en large et en travers. Car le terme de sans papiers désigne bien des personnes qui sont dans l'illégalité permanente, et ici, elles veulent obtenir de l'État qu'il contourne la loi pour leur offrir leur motif de revendication. Cela revient à cette disposition ahurissante qui avait cours il y a quelques temps, qui donnait des papiers à tous ceux qui pouvaient prouver plus de 10 ans de présence sur le territoire français en étant en situation irrégulière, donnant ainsi une récompense à ceux qui persistaient à être hors-la-loi.

Les grévistes actuels peuvent donc bien faire grève, mais il ne doit pas être répondu favorablement à leur revendication. Leurs employeurs peuvent de même se plaindre de la main d'œuvre ainsi perdue, mais tant que le chômage restera d'actualité, les sans papiers seront remplaçables dans l'économie française. Car après tout, ce n'est plus une question de formation, dans la mesure où ce n'est pas l'atout principal de la main d'œuvre illégale. Les employeurs doivent surtout de se préoccuper de maintenir des conditions de travail décentes dans leurs entreprises, et cela fait, l'État doit veiller à ce que des chômeurs ne rechignent pas à travailler dans des métiers certes peu valorisants, mais ayant le mérite de nourrir ceux qui les occupent.

Une dernière question sur tout cela porte sur la gestion de l'affaire par le gouvernement : comment se fait-il qu'il n'y ait pas de règle claire sur ces questions, ou que les règles soient visiblement respectées de façon aléatoire, alors qu'un ministère entier y est désormais consacré ? En fait, Brice Hortefeux a pu être dépeint comme le bourreau impitoyable d'une politique ultra-répressive initiée par Nicolas Sarkozy, mais il est surtout le continuateur d'une politique en fin de compte assez arrangeante, sur laquelle les sans papiers fondent justement tous leurs espoirs.

dimanche 13 avril 2008

Arche de Zoé : jusqu'au bout de la pantalonnade

La semaine a été marqué par le plan média d'Eric Breteau, le chef de l'organisation "l'Arche de Zoé", qui faisait la promotion de son livre, et de sa façon de faire d'une façon générale. Le but de son association était de ramener des orphelins de la guerre du Darfour en France, et de les faire héberger par des familles d'accueil, créant ainsi de fait une filière d'adoption non conventionnelle. Il se donnait le beau rôle, celui d'humanitaire luttant contre la guerre et protégeant les orphelins. Il savait tout à fait que ce qu'il faisait ne respectait pas les règles, mais il est persuadé que cela était nécessaire pour permettre une prise de conscience de la part des occidentaux, et faire en sorte qu'ils s'engagent enfin pour mettre fin au conflit. A vrai dire, cet objectif semblait être le plus important pour lui. Dès lors, il s'est moins soucié de la nature des orphelins à ramener, qui se sont révélés être de simples enfants pauvres qui lui ont été confiés par des familles tchadiennes, sans que cela soit pour autant de véritables adoptions. En découvrant cela, le Tchad a pris les devants et a stoppé net le projet, a incarcéré toute l'équipe et la justice tchadienne a condamné les huit principaux membres à huit ans de travaux forcés, relâchant infirmières et journalistes qui les accompagnaient.

Malgré tout, la France est venue à leur secours. Elle a demandé le transfert des prisonniers sur son territoire, ainsi que la grâce du président du Tchad. Le transfert eut lieu, et la protection accordée opportunément par la France au président tchadien, menacé d'être renversé, a facilité la décision d'Idriss Déby d'accorder cette grâce. Reste à payer les six millions d'euros de dommages et intérêts auxquels l'Arche de Zoé a été condamnée. Sur ce sujet au moins, la France ne veut pas s'en charger. Et donc tout cela permet à Eric Breteau de faire son autopromotion à la télévision.

Fallait-il vraiment faire tout cela pour le sauver ? Certains de ses co-équipiers sont peut être sincères lorsqu'ils affirment qu'ils croyaient vraiment sauver des orphelins dans cette affaire. Lui ne pouvait pas ignorer les approximations qu'il commettait. Actuellement, sa principale cible est l'État français, qui ne lui aurait pas fourni la complicité qu'il espérait, qu'il croyait qu'il allait bénéficier. Il a pourtant été très bien servi. Fallait-il en faire autant ? Il est peu probable que l'État français ait vraiment fait les yeux doux au projet d'Eric Breteau avant son départ au vu de la ligne très réaliste adoptée par le gouvernement actuel en matière de politique internationale. Eric Breteau ne parle d'ailleurs que de conseillers, et d'une façon assez vague, lorsqu'il explique qu'il se sentait investit des pleins pouvoirs. Seulement la manie française qui est de vouloir protéger ses ressortissants lorsqu'ils se sont mis tous seuls dans des situations inextricables est certes touchante, mais peut-être dommageable, dans la mesure où elle permet à des gens comme lui de prévoir l'aide qui lui sera apporté d'une manière ou d'une autre par le Quai d'Orsay. A ce niveau-là, c'est de la déresponsabilisation. Et quand il en arrive à parler à faire un film de ses aventures, l'impression donnée est surtout celle d'assister à une pantalonnade.

samedi 5 avril 2008

Les manifestations lycéennes

On peut se poser la question : d'où peuvent bien sortir tous les apôtres de l'extrême gauche qui agissent dans les syndicats, certains partis politiques et qui se plaisent dans la fonction publique, jamais assez développée à leur goût ? La réponse est logique : ils sortent tout simplement du lycée, où ils se politisent. C'est ainsi devenu un rituel pour chaque génération. A l'arrivée au lycée, une partie des étudiants croit découvrir l'âge adulte dans une lutte quelconque, et la plus facile d'accès est celle contre le gouvernement du moment. Si ce dernier agit d'une quelconque manière sur l'Education Nationale, le signal du changement sera invariablement interprété comme une agression par la fraction militante des lycéens ou des étudiants de faculté. Heureusement pour ceux-ci, il existe des syndicats étudiants dont la fonction principale est d'organiser la riposte, et de créer un mouvement lycéen ou étudiant qui sera l'occasion pour eux d'exprimer toute la révolte qu'ils portent contre l'ordre établi, de dénoncer les injustices et d'avoir le sentiment qu'ils peuvent mettre en échec un gouvernement qui ne représente que des électeurs mal éclairés. Les mouvements de protestation étudiants à la régularité implacable sont donc devenus des rites initiatiques pour la partie de la jeunesse qui cherche un sens à la vie, et qui le trouvera dans le militantisme politique à gauche. Et à cette période, la gauche rêvée est plus à gauche que celle que l'on trouve dans les gouvernements.

Cela recommence aujourd'hui. Le mouvement des facultés a fini par s'éteindre, après avoir pris comme prétexte la réforme des universités (pourtant bien peu ambitieuse) pour bloquer les facultés dans un grand exercice de démocratie biaisée. Cette fois-ci, le prétexte du jour est la diminution de 8 500 du nombre de professeurs, ce qui ne représente qu'environ 1 % des effectifs. Cette réduction est pourtant bien inférieure à celle qui aurait été à l'ordre du jour si Nicolas Sarkozy avait appliqué à l'Education Nationale son mot d'ordre de ne replacer qu'un départ à la retraite sur deux. Les Français comprennent la nécessité de réduire le déficit budgétaire, mais chacun devient hargneux dès que cet objectif s'applique d'un peu trop près. Et pour les lycéens, peu importe le fait que le nombre des élèves est en train de diminuer actuellement pour des raisons démographiques. L'occasion est trop belle de se payer la politique de "rigueur" du gouvernement, laissant ainsi penser qu'une gestion rigoureuse du budget de l'Etat est une mauvaise chose en soi.

Pendant les prochaines semaines, le mouvement lycéen va probablement prendre encore de l'ampleur comme d'habitude. Le gouvernement serait bien inspiré de ne pas reculer. Si la minorité militante restera toute sa vie à faire de l'agitation pour faire valoir ses vues, la majorité des élèves finit par se lasser, ne connaissant que mal le fond des dossiers et voyant surtout dans ces "grèves" une occasion de sécher les cours en se sentant important. Les responsables syndicaux ont eux un avenir tout tracé : après le syndicalisme lycéen, vient celui étudiant en fac, puis celui en entreprise publique ou même directement la carrière d'apparatchik politique, à l'instar de Bruno Julliard, passé en un temps record de leader de l'UNEF à adjoint de Bertrand Delanoë.

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