Réflexions en cours

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jeudi 31 mars 2011

Non à un grand stade pour le rugby

En novembre dernier, la Fédération Française de Rugby (FFR) a dévoilé un projet de grand stade de 80 000 places pour son équipe de France. Celui-ci serait situé en région parisienne, et aurait également vocation à recevoir des concerts ou des spectacles. En bref, la FFR réinvente le Stade de France. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Alors que le Stade de France peut parfaitement recevoir des matchs de rugby (actuellement, il accueille non seulement les matchs de l'équipe nationale, mais aussi certains du Stade Français et du Métro Racing 92), la FFR veut créer un doublon imposant.

Les raisons invoquées sont assez dérisoires. La première est la volonté d'avoir un stade pouvant être opéré à sa guise. Cela permettrait à la FFR de programmer des matchs aux dates qui lui convient. La deuxième est la recherche de meilleures retombées financières. Le Stade de France coûte cher, ce qui limite les recettes en billetterie de la FFR. Ce n'est rien qui ne puisse être surmonté lors de discussions avec le consortium opérant le Stade de France. Le planning de celui-ci reste quand même très ouvert en l'absence d'équipe résidente. Avant le Stade de France, l'équipe française de rugby jouait de nombreux matchs au Parc des Princes, où jouait également le Paris Saint-Germain. Ce n'était pas un drame. Là, les disponibilités sont bien plus importantes.

Quand bien même le Stade de France venait à être occupé, l'équipe française de rugby peut tout à fait jouer dans un autre stade en province. D'ici 2016, de nombreux stades seront agrandis et modernisés dans l'optique de l'Euro de football. Il y aura notamment le Grand Stade Lille Métropole de 50 000 places, particulièrement novateur, le nouveau stade de l'OL de plus de 60 000 places, et un Stade Vélodrome agrandi et couvert à Marseille. Une équipe de football ne joue qu'un match sur deux à domicile, il y aura donc moult stades de grande capacité pour accueillir les matchs de l'équipe nationale de rugby.

Et la perspective qu'il y ait un concurrent au Stade de France n'a pas vraiment d'intérêt pour l'intérêt général. En 2008, l'Etat continuait encore de verser une indemnité de deux millions d'euros au Stade de France pour l'absence de club résident. Cela a beaucoup diminué depuis 2000, où cette indemnité était de 15 millions, mais c'était grâce à un bon taux d'occupation du Stade de France via les différentes manifestations autres que le football (concerts, spectacles, rugby...). L'intérêt du plus grand nombre est bien de supprimer au plus vite toute indemnité. Et une telle concurrence ne va pas dans ce sens, surtout que ce grand stade de rugby, à la rentabilité douteuse, pourrait bien se transformer également en puits à subventions.

Évidemment, le plus probable reste encore que cette histoire de grand stade de rugby soit une manœuvre de négociation de la FFR envers le Stade de France. La Fédération Française de Tennis avait utilisé un subterfuge similaire, en affirmant d'abord que la France risquait de perdre son tournoi du Grand Chelem, puis qu'il changerait l'emplacement de l'Open de France si la mairie de Paris ne la laissait faire les transformations qu'elle voulait au site de Roland Garros. La convention entre le Stade de France et la FFR se termine en 2013. Il vaudrait mieux qu'ils trouvent un accord, car il n'est pas sûr que le public comprenne bien la nécessité d'un deuxième Grand Stade si proche du premier.

mardi 15 mars 2011

On va tous mourir !

...et chaque minute qui passe nous rapproche inéluctablement de notre mort !

En tant que tel, ces affirmations sont parfaitement exactes. Et c'est à peu près la tonalité qu'ont adopté les médias depuis quatre jours. L'actualité nous fournit un flot ininterrompu de pessimisme qui se conjugue à tous les temps. Au passé, ce fut effrayant avec les images du raz du marée dévastateur. Au présent, c'est glauque avec les reportages sur les villes rayées de la carte. Et au futur, les perspectives qui nous sont présentées sont particulièrement lugubres, avec un feuilleton sur le refroidissement de la centrale de Fukushima.

Mais si cela ne suffisait déjà pas, il a fallu qu'on embraye sur une psychose aussi vaine que pénible. Telle une malédiction, il faut que chaque événement qui se passe dans le monde se transforme en polémique française locale. Le manque d'informations en provenance des autorités japonaises (qui ont bien d'autres choses à faire qu'à répondre à nos journaux nationaux) a laissé de la place libre pour que ce moment fort d'actualité soit meublé par les prophètes de la fin du monde. Ce week-end, la chaîne d'information en continue France 24 en était par exemple à utiliser comme consultante sur la centrale nucléaire japonaise une responsable française de Greenpeace... qui assurait que d'après ses sources (lesquelles ?), tout était bien évidemment foutu. Qu'est-ce que des militants anti-nucléaires pouvaient affirmer d'autre ? Chaque matin, les radios font des appels à témoins auprès des auditeurs sur la question "avez-vous peur du nucléaire ?" Les journaux locaux tendent à exploiter le filon en faisant leur une sur les dangers du nucléaire près de chez vous.

Le pire est certainement le fait que dès samedi, les responsables des Verts ont monté une opération de communication sur le thème "sortons du nucléaire, bombe à retardement garantie". Ils n'ont pas eu peur d'être indécent en récupérant rapidement ce drame, alors qu'à l'autre bout du monde on sauve encore des gens coincés dans les gravats et que des ingénieurs travaillent comme des chiens pour limiter les dégâts. La paranoïa est totale. C'est comme si à chaque fois qu'un avion s'écrasait, on remettait en cause la raison d'être de l'ensemble du transport aérien. Et en l'occurrence, à Fukushima, "l'avion" ne s'est même pas écrasé, et ne fait que traverser de fortes turbulences dues à des circonstances exceptionnelles. En aviation, les vraies questions qui se posent sont celles des leçons à tirer de chaque catastrophe pour éviter qu'elles se reproduisent. C'est la même procédure pour l'énergie nucléaire.

Evidemment, rien n'est jamais sans risque. Mais c'est justement parce que le nucléaire est dangereux qu'il y a autant de précautions prises, plus que pour aucun autre secteur. Et en ce qui nous concerne, les avantages sont bien plus importants que les inconvénients. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut développer d'autres sources d'énergie, mais en attendant le nucléaire est une solution solide pour notre production d'électricité. Mais cela paraît difficile à faire entendre dans un "débat" alimenté par l'émotion voire l'hystérie.

lundi 14 mars 2011

Le squat est un vol

Le nouveau site d'information Atlantico.fr a révélé récemment que les squatteurs d'un immeuble lors d'une opération médiatique étaient des salariés tout à fait solvables, mais complètement politisés. Ils ont moins participé à cette histoire parce qu'ils en avaient besoin que parce qu'ils voulaient faire un coup. Ce ne sera pas la première fois, ni la dernière. Mais leur cause en valait-elle la peine ? Qu'il y ait une crise du logement en France, nul ne peut le contester. Celle-ci est plus accentuée dans les grandes agglomérations, conséquence de deux phénomènes : le manque de constructions récentes d'une part, la baisse du nombre d'habitant par logement d'autre part. Néanmoins, le squat ne peut être une solution souhaitable.

Le squat est un vol. L'occupation d'une propriété sans l'accord du propriétaire est révoltante, dans la mesure où il nie le droit de propriété. Rappelons aux défenseurs des droits de l'homme que le droit de propriété est justement l'un des droits naturels et imprescriptibles de l’homme définis par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (citée par notre Constitution). Seule la puissance publique peut forcer quelqu'un à renoncer à sa propriété, et encore, avec des limitations. Que n'importe qui puisse s'arroger de sa propre volonté la possibilité de jouir de la propriété d'autrui ne peut pas être accepté. Dès lors, les militants des associations contre le mal logement doivent trouver d'autres moyens d'action que d'essayer de multiplier les squats. Peut-être serait-il plus efficace que ces associations acquièrent elles-mêmes des bâtiments pour les louer aux vrais nécessiteux. La perspective de voir son appartement, acheté par des années de labeur, occupé du jour au lendemain par des gens qui en ont forcé la porte et qui méprisent les droits du propriétaire (sans avoir même la possibilité de les en déloger rapidement) remet en cause gravement notre contrat social.

Voilà pourquoi l'une des décisions récentes du Conseil Constitutionnel sur la loi Loppsi 2 est inexplicable. Sans parler de chacun des autres points abordés par cette loi, l'article 32 permettait d'une part aux préfets de faire évacuer les terrains publics ou privés occupés illégalement, d'autre part permettait la condamnation du fait d'occuper un domicile sans l'autorisation du propriétaire ou du locataire. Il fut censuré. La justification de cette censure est littéralement incompréhensible pour le commun des mortels, l'article 32 n'est quasiment pas évoqué dans la décision, il n'était d'ailleurs même pas attaqué par les députés et sénateurs de l'opposition qui avaient demandé l'examen de la loi par le Conseil Constitutionnel.

Aujourd'hui, avoir un bien squatté constitue un drame pour les propriétaires qui en arrivent généralement à regretter d'avoir fait cette acquisition. Et dans la crise actuelle du logement, ce que l'on souhaite, c'est qu'il y ait davantage de biens à louer, pas moins.

jeudi 10 mars 2011

Les rentiers de la couronne

C'était hier soir, au Sénat. Un amendement déposé par Gilbert Barbier est discuté. Il remplace dans le code de la santé publique "l'information écrite délivrée gratuitement au patient comprend, de manière dissociée, le prix d'achat de chaque élément de l'appareillage proposé" par "l'information écrite délivrée gratuitement au patient comprend, de manière dissociée, le prix de vente de ce dispositif médical". Dans ce texte qui concerne les dentistes, le changement de "prix d'achat" par "prix de vente" n'est pas anodin. L'obligation d'annoncer le prix d'achat des couronnes et prothèses par les dentistes avait été votée lors de la réforme des hôpitaux en 2009. Le but était de permettre aux patients de comprendre quelle part de sa facture revient à l'équipement, et quelle part revient au dentiste. C'était un dispositif utile pour établir la transparence, éventuellement faire jouer la concurrence, et surtout éviter les tarifs trop exagérés. En le changeant par prix de vente, cela annule tout, le dentiste vendant ce qu'il veut pour le prix qu'il veut.

La discussion fut d'une inanité singulière, on peut la résumer ainsi :

Gilbert Barbier, auteur de l'amendement : Cette obligation ne prend pas en compte les dentistes [et pour cause]. Le patient n'a pas besoin de savoir.

Alain Milion, rapporteur de la loi : La commission des affaires sociales s'est prononcée contre la suppression, plutôt que de s'en prendre à cette obligation, il aurait mieux valu l'appliquer, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Xavier Bertrand, ministre : Je ne suis pas défavorable aux consommateurs, mais les dentistes sont malheureux, donc passez outre l'avis de la commission.

Jean-Pierre Fourcade, auteur de la proposition de loi : Les dentistes ne veulent pas appliquer cette obligation, je suis donc pour sa suppression.

André Lardeux : Cessons de traiter les dentistes comme des chiens galeux !

Guy Fischer : Comme les dentistes ne peuvent pas se faire plus d'argent sur les soins moins sophistiqués, ils doivent pouvoir s'en mettre plein les poches sur les prothèses.

Claude Bérit-Débat : Les dentistes doivent pouvoir maximiser leur marge comme les autres.

L'amendement fut donc adopté dans une volonté explicite de faire plaisir aux dentistes et de laisser tomber les patients. L'association de consommateurs UFC Que Choisir fut très réactive, en dénonçant sur la place publique cette manœuvre corporatiste. Les dentistes ne voulaient pas de cette obligation prévue dans la loi de 2009. Comme le montrait un reportage récent de l'émission Capital, les couronnes et prothèses dentaires sont de véritables vaches à lait pour les dentistes, achetées de moins en moins cher grâce au développement d'ateliers dans des pays où la main d'œuvre est moins chère, et revendus à des tarifs souvent exorbitants à leurs patients mal informés. Ces prix ahurissants permettent aux dentistes de disposer d'une véritable rente placée issue des dents des Français.

L'obligation mise en place par la loi de 2009 aurait révélé la supercherie, c'est la raison pour laquelle la plupart des dentistes ne l'ont tout simplement pas appliquée. Un peu de lobbying aura suffi pour remettre le sujet sur le tapis, privilégiant les dentistes plutôt que les patients mis à genoux par les montants qu'on leur réclame. Mais si le Sénat l'a voté, ce n'est pas encore passé dans la loi. Les députés, en examinant cette question, devront se rappeler de l'impératif d'intérêt général.

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