En novembre dernier, la Fédération Française de Rugby (FFR) a dévoilé un projet de grand stade de 80 000 places pour son équipe de France. Celui-ci serait situé en région parisienne, et aurait également vocation à recevoir des concerts ou des spectacles. En bref, la FFR réinvente le Stade de France. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Alors que le Stade de France peut parfaitement recevoir des matchs de rugby (actuellement, il accueille non seulement les matchs de l'équipe nationale, mais aussi certains du Stade Français et du Métro Racing 92), la FFR veut créer un doublon imposant.

Les raisons invoquées sont assez dérisoires. La première est la volonté d'avoir un stade pouvant être opéré à sa guise. Cela permettrait à la FFR de programmer des matchs aux dates qui lui convient. La deuxième est la recherche de meilleures retombées financières. Le Stade de France coûte cher, ce qui limite les recettes en billetterie de la FFR. Ce n'est rien qui ne puisse être surmonté lors de discussions avec le consortium opérant le Stade de France. Le planning de celui-ci reste quand même très ouvert en l'absence d'équipe résidente. Avant le Stade de France, l'équipe française de rugby jouait de nombreux matchs au Parc des Princes, où jouait également le Paris Saint-Germain. Ce n'était pas un drame. Là, les disponibilités sont bien plus importantes.

Quand bien même le Stade de France venait à être occupé, l'équipe française de rugby peut tout à fait jouer dans un autre stade en province. D'ici 2016, de nombreux stades seront agrandis et modernisés dans l'optique de l'Euro de football. Il y aura notamment le Grand Stade Lille Métropole de 50 000 places, particulièrement novateur, le nouveau stade de l'OL de plus de 60 000 places, et un Stade Vélodrome agrandi et couvert à Marseille. Une équipe de football ne joue qu'un match sur deux à domicile, il y aura donc moult stades de grande capacité pour accueillir les matchs de l'équipe nationale de rugby.

Et la perspective qu'il y ait un concurrent au Stade de France n'a pas vraiment d'intérêt pour l'intérêt général. En 2008, l'Etat continuait encore de verser une indemnité de deux millions d'euros au Stade de France pour l'absence de club résident. Cela a beaucoup diminué depuis 2000, où cette indemnité était de 15 millions, mais c'était grâce à un bon taux d'occupation du Stade de France via les différentes manifestations autres que le football (concerts, spectacles, rugby...). L'intérêt du plus grand nombre est bien de supprimer au plus vite toute indemnité. Et une telle concurrence ne va pas dans ce sens, surtout que ce grand stade de rugby, à la rentabilité douteuse, pourrait bien se transformer également en puits à subventions.

Évidemment, le plus probable reste encore que cette histoire de grand stade de rugby soit une manœuvre de négociation de la FFR envers le Stade de France. La Fédération Française de Tennis avait utilisé un subterfuge similaire, en affirmant d'abord que la France risquait de perdre son tournoi du Grand Chelem, puis qu'il changerait l'emplacement de l'Open de France si la mairie de Paris ne la laissait faire les transformations qu'elle voulait au site de Roland Garros. La convention entre le Stade de France et la FFR se termine en 2013. Il vaudrait mieux qu'ils trouvent un accord, car il n'est pas sûr que le public comprenne bien la nécessité d'un deuxième Grand Stade si proche du premier.