Des sans papiers font grève dans l'espoir d'être régularisés. Voilà un fait qui pose un bon nombre de questions : pour commencer, pourquoi en parle-t-on autant ? Ils ne sont que quelques centaines dans la région parisienne, mais ils ont réussi leur happening médiatique, en attirant la presse toujours à la recherche de quelque "lutte sociale". Après tout, rien ne les empêche de le faire, et en faisant cela ils ne gênent pas grand monde. C'est donc de bonne guerre. La question qui suit est plus fondamentale : pourquoi faudrait-il faire quelque chose face à cette situation ? A vrai dire, cela amène également la question "comment cela est-il possible ?". Car si le droit de grève est légal, il suppose de travailler pour l'exercer. Or les sans papiers n'ont justement pas le droit de travailler en France. En fait, et c'est même la définition de leur condition, ils n'ont de toute façon pas le droit de résider en France. Dès lors, comment en arrive-t-il à avoir un travail qu'ils n'exercent plus pour demander à rentrer dans l'illégalité ?

Ce genre de questions est peu posé dans les reportages qui leurs sont consacrés. On apprend néanmoins qu'ils ont généralement eu leur emploi en produisant de faux papiers, ce qui ne semble émouvoir personne, et ne leur pose aucun cas de conscience quant à l'augmentation du nombre de lois enfreintes. D'une façon assez intéressante, l'employeur est présenté comme le responsable de cette situation car il a accepté ces faux papiers lors de l'embauche. Son rôle se révèle d'ailleurs être trouble, car il apparait en effet qu'un certain nombre d'employeurs de sans papiers les soutiennent, accréditant l'idée selon laquelle ils sont leurs complices. Dans toute cette affaire la loi est ainsi bafouée en long, en large et en travers. Car le terme de sans papiers désigne bien des personnes qui sont dans l'illégalité permanente, et ici, elles veulent obtenir de l'État qu'il contourne la loi pour leur offrir leur motif de revendication. Cela revient à cette disposition ahurissante qui avait cours il y a quelques temps, qui donnait des papiers à tous ceux qui pouvaient prouver plus de 10 ans de présence sur le territoire français en étant en situation irrégulière, donnant ainsi une récompense à ceux qui persistaient à être hors-la-loi.

Les grévistes actuels peuvent donc bien faire grève, mais il ne doit pas être répondu favorablement à leur revendication. Leurs employeurs peuvent de même se plaindre de la main d'œuvre ainsi perdue, mais tant que le chômage restera d'actualité, les sans papiers seront remplaçables dans l'économie française. Car après tout, ce n'est plus une question de formation, dans la mesure où ce n'est pas l'atout principal de la main d'œuvre illégale. Les employeurs doivent surtout de se préoccuper de maintenir des conditions de travail décentes dans leurs entreprises, et cela fait, l'État doit veiller à ce que des chômeurs ne rechignent pas à travailler dans des métiers certes peu valorisants, mais ayant le mérite de nourrir ceux qui les occupent.

Une dernière question sur tout cela porte sur la gestion de l'affaire par le gouvernement : comment se fait-il qu'il n'y ait pas de règle claire sur ces questions, ou que les règles soient visiblement respectées de façon aléatoire, alors qu'un ministère entier y est désormais consacré ? En fait, Brice Hortefeux a pu être dépeint comme le bourreau impitoyable d'une politique ultra-répressive initiée par Nicolas Sarkozy, mais il est surtout le continuateur d'une politique en fin de compte assez arrangeante, sur laquelle les sans papiers fondent justement tous leurs espoirs.