Au début d'une nouvelle année, ou même d'un nouveau millénaire, on se souhaite sincèrement les uns les autres les meilleures choses possibles, sans oublier que rien n'est jamais facile. On spécule sur ce que l'avenir nous réserve, de façon plus ou moins fantaisiste. Mais déjà qu'il est déjà assez compliqué de savoir ce qu'il se passe précisément actuellement, ou bien ce qu'il s'est réellement passé autrefois, prévoir l'avenir apparaît comme parfaitement impossible. Ce n'est pas faute d'essayer, par plaisir ou par nécessité. D'un point de vue artistique, les auteurs de science fiction ne se sont jamais privés de proposer des visions audacieuses de l'avenir. En 1989, le film Retour vers le futur 2 nous promettait pour l'an 2015 des voitures volantes, des pizzas à hydrater, la fusion nucléaire comme source d'énergie portative et même la météo exacte à la seconde prêt ! Quatre années avant l'échéance, cela semble pour le moins incertain.

En matière économique aussi, l'exercice est hasardeux. Prévoir la situation économique d'un pays à plus de deux ans est malaisé, au-delà, la fiabilité est habituellement la même que de demander aux diseuses de bonne aventure (une solution adoptée par un chef d'Etat autrefois). Pour s'en convaincre, on peut lire avec intérêt un article du magazine américain Time d'octobre 1992, sur le monde dans les 50 prochaines années. Seules 18 années se sont écoulées depuis ces prédictions, mais on sent déjà que l'on n'est plus vraiment sur la voie anticipée. Il faudra peut-être attendre encore avant que les matières premières et le pétrole soient des questions de faible importance. On reste également circonspect lorsque l'article annonce que la coopération avec les Nations Unies sera la norme pour s'adresser aux dictateurs, au vu des événements de la dernière décade. A l'heure actuelle, les sommets internationaux semblent plus laborieux que jamais, quelque soit le dossier.

En ce qui concerne l'Europe, l'article devient plus clairement inexact, pour commencer sur le fait qu'elle sera la grande gagnante de la période à venir. Ensuite, l'affirmation selon laquelle l'Union Européenne comptera 400 millions d'habitants en 2050, sous-estimant le fait que la plupart des pays de l'Europe de l'est l'intègreront dès le début du XXIème siècle. Il faut croire que la transition du communisme au capitalisme fut bien plus spectaculaire qu'espéré. En revanche, il se montre optimiste quand il croit à l'arrivée de la Suisse et de la Norvège à courte échéance.

Passons sur les revendications sociales anticipées des Japonais, pour s'attarder sur le cas de la Chine. Arrive ici une affirmation rétrospectivement étonnante : "la Chine ne peut pas se transformer en un géant industriel au XXIème siècle". Les taux de croissance affichés sont balayés d'un revers de main comme une manifestation de propagande communiste, comme pour l'URSS, pour conclure que la Chine verra elle aussi un changement de système. Aujourd'hui, les données du problème ne sont plus du tout les mêmes à ce niveau là.

L'exercice de l'anticipation révèle cruellement a posteriori les fautes d'analyse que l'on peut faire. Il faut en être conscient. Dans le même numéro de Time, un autre article met d'ailleurs en garde contre l'incertitude et expose d'autres visions anciennes démenties de l'avenir. Pour toutes les innovations technologiques qui nous ont fait envies, peu de gens avaient prévu l'avènement de l'Internet et du téléphone portable. En définitive, prédire l'avenir en dit plus sur le temps présent que sur le futur. C'est ainsi que la science fiction est un genre particulièrement marqué dans le temps, avec les cosmonautes futuristes des années 50 bien différents de ceux des années 70 ou 2000. Et cela rassura aussi les inquiets : contrairement à ce qu'il se passe dans les tragédies, rien n'est joué d'avance.