Dans un mois jour pour jour, les résultats du deuxième tour des élections présidentielles tomberont. Nous serons alors qui occuppera pour les cinq prochaines années le poste de Président de la République française. Logiquement, cela devrait influer sur les législatives qui suivront, définissant ainsi la politique à venir. L'enjeu est donc important, et cette campagne électorale intéresse beaucoup plus les Français que les précédentes. Elle est longue et mobilisatrice. On y aura vu à peu près toutes les figures imposées de ces périodes : des attaques plus ou moins dignes, des tentatives de manipulation à bases de rumeurs, mais aussi des discussions sur le fond, lorsque l'on se penche sur les propositions des candidats sans s'arrêter au traitement médiatique de la campagne. Ainsi l'électeur a la possibilité de faire un choix clair. Très souvent, il a surtout envie de changement : il n'est pas satisfait de la façon dont la France va, et souhaite qu'il y ait une action plus forte pour remédier à cela. Si on trouve facilement une majorité de personnes pour dire qu'il y a de nombreux problèmes, il est moins évident de trouver une majorité aussi nette pour s'accorder sur une même définition des problèmes en question, et évidemment sur les mesures à prendre.

Quels sont les problèmes dont souffre la France ? La liste peut être longue : un chômage plus élevé que la moyenne européenne, une pauvreté qui s'est installé chez certaines personnes qui ont pourtant un emploi, un pouvoir d'achat réduit par la hausse des carburants et de l'immobilier, des comptes sociaux déficitaires, un système éducatif qui apparaît inadapté, l'environnement qui est attaqué par la pollution, un problème d'intégration qui affaiblit le lien social, la lutte contre l'insécurité qui doit être continuée, des services public et des entreprises publiques mal gérées... Pour chacun de ces domaines, des réformes importantes sont à mener ou à poursuivre. Trop souvent, on s'est d'abord attaqué aux conséquences qu'aux causes, nécessitant de plus en plus de pansements pour reboucher des plaies qui s'agrandissaient d'autant plus qu'elles ne cicatrisaient pas. Car il fallait une certaine dose de courage pour s'attaquer à la racine du mal, courage que l'on a pas eu depuis des décennies, lorsque l'on a pas tout simplement encouragé involontairement, avec les meilleures intentions du monde, l'aggravation des causes de souffrance. Pourtant, autour de nous, les autres pays européens semblent être moins en difficultés que nous sur chacune de ces thématiques, ou tout du moins sur la plupart. Il faut dire que chez eux la volonté politique a été moins handicapée par un fond de misérabilisme qui nous est cher. Soit les populations étaient moins enclines que la notre à refuser en bloc tout changement, soit leurs responsables politiques étaient meilleurs pour faire passer leurs réformes, et convaincre du bien fondé de celles-ci, y compris lorsqu'elles peuvent être douloureuses de prime abord.

Voilà la question phare de cette campagne : les problèmes sont connus, ce sont les réformes à adopter et leur mise en oeuvre qui sont en discussion. Parmi les trois candidats dont on nous dit qu'ils peuvent emporter l'élection, l'une a pris le parti de poursuivre ce qu'il s'est fait depuis 26 ans : faire jouer l'Etat Providence pour donner l'impression que l'argent public va tout régler, sans s'attaquer au coeur des difficultés. Un autre souhaite mettre en oeuvre des réformes modestes en faisant le pari qu'elles seront adoptées parce que tout le monde finira bien par se mettre d'accord sur leur nature. Enfin, un candidat veut mettre en oeuvre des réformes fortes, avec une volonté forte de résultats y compris si un consensus est impossible à obtenir autour d'elles. Si ces candidats devront rendre des comptes quant aux politiques qu'ils appliqueront, les électeurs doivent dès à présent comprendre leur propre responsabilité quant à l'avenir de la France dans le choix qu'ils feront dans un mois.