Ségolène Royal sera peut-être la prochaine Présidente de la République française. Si elle y parvient, ce ne sera pas grâce à sa campagne, dont le moins que l'on puisse dire à moins d'une semaine du premier tour est qu'elle a été médiocre. Elle avait réussi à obtenir l'investiture du Parti Socialiste car les adhérents croyaient qu'elle était la mieux à même de vaincre Nicolas Sarkozy, pas du fait de ses talents propres, mais uniquement en constatant qu'elle était populaire dans les sondages. C'est ainsi qu'elle fut désignée sur l'image qu'elle donnait. Pourtant, elle n'avait pas vraiment de ligne politique à défendre, et encore moins un programme à proposer aux Français. Pour s'en batir un elle s'est lancé dans ce qu'elle a appelé la "démocratie participative", une grande opération de boite à idées menée entre sympathisants du Parti Socialiste dans chaque section. Le processus était encore en cours lorsque la campagne a débuté, lancée par l'investiture de Nicolas Sarkozy qui avait marqué les esprits avec un grand discours fondateur à la Porte de Versailles. Ségolène Royal a voulu le contrer par une offensive médiatique, or l'absence de mesures à présenter aux Français la poussait à parler de façon creuse alors que son concurrent annonçait jour après jour les décisions qu'il souhaitait prendre. Elle voulut aussi se batir une stature internationale, en visitant la Chine notamment, mais à l'instar de ce qu'il s'était passé lors de son voyage au Proche Orient, elle s'est surtout illustrée par sa méconnaissance des questions internationales, par sa légèreté en fait. Tout cela s'est doublé d'une impressionnante série d'erreurs qui montraient au mieux de l'ignorance, au pire un manque de jugement. La sénatrice américaine Hillary Clinton, elle même en campagne présidentielle, a alors préféré annuler la rencontre qui était prévue entre elle et Ségolène Royal, de peur qu'elle apparaisse en train de la soutenir.

La présentation de son programme à Villepinte fut accueillie fraîchement par les Français : il s'agissait d'une grande liste de mesures qui se caractérisaient par l'appui sur l'Etat Providence, sans qu'il n'y ait de piste quant à leur financement. Le résultat de cette campagne chancelante fut la montée de François Bayrou dans les sondages, qui s'amplifia lorsque ces mêmes sondages le donnaient gagnant face à Nicolas Sarkozy dans le cas d'un très hypothétique deuxième tour qui les opposerait. Ainsi, les résultats dans les sondages, qui constituaient le point fort de Ségolène Royal, devinrent précisément son point faible. De plus, la méthode de gestion employée par la candidate s'est révélée problématique, causant bien des incompréhensions au sein du Parti Socialiste, poussant au départ le Secrétaire national du parti à l'économie, Eric Besson. Celui-ci avait notamment mal accepté le fait que Ségolène Royal promette solennellement à Nicolas Hulot de baisser la part de l'énergie nucléaire dans la production d'électricité à 50 % dans 10 ans, alors qu'elle est de 80 % actuellement. Une telle baisse est non seulement très difficile à mettre en oeuvre économiquement parlant, mais elle aussi dangereuse pour l'environnement dans la mesure où elle entrainerait une augmentation de la production d'énergie thermique, résultant en une forte augmention des émissions de dioxyde de carbone.

Ainsi s'est déroulée la campagne de Ségolène Royal. Ces derniers temps, ne pouvant plus miser sur son propre programme, Ségolène Royal a préféré se contenter d'attaquer Nicolas Sarkozy. Ce n'est plus une campagne pour l'élire elle en tant que Présidente, c'est devenu une campagne pour empêcher Nicolas Sarkozy d'être élu. Le Parti Socialiste n'appelle plus à voter pour un projet de société, mais contre un candidat. Cela se couple avec la volonté d'en appeler au souvenir du 21 avril 2002, où Lionel Jospin avait été éliminé au premier tour au profit de Jean-Marie Le Pen. Le but est de s'appuyer sur la mauvaise conscience de ceux qui n'avaient pas voté pour le candidat socialiste pour qu'il y ait un candidat de la gauche de cette fois-ci. François Hollande en appelle au "vote utile" dès le premier tour, Ségolène Royal dit se battre "pour être qualifiée pour le second tour, pour arriver en finale", laissant penser qu'il s'agit d'un but en soi, et en arrive à affirmer "avoir besoin du vote des femmes", annonçant explicitement que son élection serait révolutionnaire du fait qu'elle en est une. En tant que politique à appliquer, c'est pour le moins limité. Le vote "contre" et les autres artifices qu'elle déploit peuvent très bien réussir, mais il restera qu'elle n'aura pas été élu pour ses compétences ni pour un projet pour la France. Et ce peut difficilement être de bonnes bases pour les cinq années à venir.