Le 29 avril dernier, le Président de la République a prononcé un discours portant sur la constitution du "Grand Paris", reprenant ainsi les volontés de Christian Blanc, suite aux travaux de celui-ci et un concours international d'aménagement de la région parisienne. Le projet proposé a encore certains aspects imprécis, mais la vision d'ensemble est gigantesque. Il est question de créer ou de favoriser des pôles spécialisés sur tel ou tel domaine d'expertise, et d'en faire les points saillants de l'aménagement de l'Ile-de-France pour les décennies à venir. Le plus important dans ce schéma, c'est la constitution d'axes de transports pour relier ces différentes zones. A l'heure où la préservation de l'environnement est un enjeu fondamental, cet objectif peut difficilement être accompli avec davantage de routes. La vraie question est donc celle des transports en commun. Or ceux-ci sont déjà surchargés en Ile-de-France, l'urgence est donc déjà de mise.

C'est donc en matière de transports en commun que les annonces de Nicolas Sarkozy sont les plus spectaculaires. Alors que les projets Métrophérique, d'Arc Express ou de Tangentielles peinent à avancer, ils sont refondus dans le projet d'un réseau primaire aussi appelé "grand huit", pour la forme de double boucle autour de la capitale. La longueur de ce réseau est de 130 km, ce qui est énorme, avec comme objectif d'être terminé d'ici une quinzaine d'année, pour un coût de 35 milliards d'euros. Et dans de tels projets, le passé a montré que les retards et les surcoûts peuvent également être considérables. Il serait donc délirant de croire que tout se fera facilement, rapidement et en seul morceau.

Le métro automatique est roi dans ce projet, ce qui est une bonne chose, vu que ce système est bien plus fiable que l'utilisation de conducteurs s'avérant par expérience souvent bloqués dans des conflits sociaux. Mais pour une sécurité optimale, il est préférable que les voies soient souterraines, évitant l'influence de facteurs extérieurs pendant le trajet, comme la météo, les feuilles mortes ou des personnes égarées. Les chantiers prévus sont nombreux, et l'on ne peut attendre que tout soit accompli pour que de nouvelles lignes deviennent opérationnelles. Certains dossiers sont plus urgents que d'autres. La ligne 13 du métro parisien est complètement surchargée, et la jonction de deux voies au nord représente une difficulté considérable. La ligne 14, déjà automatique, pourrait très bien se prolonger dans cette direction. Alors que la région Ile-de-France se perd dans des considérations visant à faire passer la ligne 14 d'un côté puis de l'autre de la ligne 13, il est souhaitable qu'elle en reprenne plus simplement une des deux branches. D'après le projet présidentiel, la ligne 14 reprendrait celle qui va vers Saint Denis, afin de faciliter les trajets vers le pôle d'emplois en développement du Carrefour Pleyel. Cette opération ne nécessiterait que le creusement d'un tunnel de métro entre la gare Saint-Lazare et la station La Fourche. Cela aurait dû être fait depuis longtemps.

A partir de Carrefour Pleyel, une autre proposition pour soulager la ligne 13 est de créer une rocade entre ce quartier et la Défense, facilitant les trajets des habitants de Seine Saint-Denis travaillant dans le quartier d'affaires. Cette rocade aurait bien sûr vocation à s'inscrire dans les lignes circulaires autour de Paris, mais faute de pouvoir attendre, elle pourrait être la première partie ouverte aux voyageurs. Son tracé est susceptible de recueillir un consensus auprès des différents intervenants, tant cela fait longtemps que l'idée est dans l'air. L'arc pourrait ainsi relier le Stade de France, les stations de RER ou de métro Carrefour Pleyel, les Grésillons, Gabriel Péri avant de reprendre un morceau de ligne SNCF de banlieue existant déjà et passant par Bécon les Bruyères et Courbevoie, pour finalement arriver à la Défense.

A l'opposé, dans le sud est de la petite couronne, il est question que la ligne 14 soit également prolongée vers le sud, pour déservir l'aéroport d'Orly. Plutôt que de creuser un long nouveau tunnel, il serait plus simple de raccorder cette ligne à la branche de la ligne 7 qui va vers la station Villejuif - Louis Aragon. Un tramway d'ores et déjà en construction reliera cette station à Rungis et l'aéroport, un projet de métro est donc moins prioritaire pour ces emplacements.

A travers Villejuif, un arc de la circulaire est réclamé depuis des années par les élus de la Seine et Marne. Leur projet Orbival pourrait donc voir le jour, bien qu'en étant un peu plus au sud que le tracé qu'ils envisageaient dans leur croquis. A l'est, le but est de connecter les stations RER des radiales A, C, D et E. Mais la volonté présidentielle d'aller jusqu'à Noisy-le-Grand pour déservir la Cité Descartes projette un tracé éloigné et long, donc difficile à mettre en place. En revanche, à partir de l'ouest, le tracé sera plus simple en se rapprochant de Paris, passant par Arcueil - Cachan, la futur station Bagneux de la ligne 4, Châtillon Montrouge sur la ligne 13, Mairie d'Issy sur la 12, puis Issy Val de Seine sur la C, Marcel Sembat sur la 9, et ainsi de suite par la ligne 10 du métro, la ligne L du Transilien à Saint Cloud, avant éventuellement de rejoindre La Défense à nouveau.

D'autres morceaux de lignes voulues par le projet présidentiel paraissent difficile à mettre en place à moyen terme. Cela dépend en fait de leurs utilités réelles. Ainsi, on peut se demander s'il est bien nécessaire de recréer une ligne supplémentaire entre Roissy, le Bourget et Saint-Denis. Le projet actuel "Charles de Gaulle Express" reliant directement Roissy et le nord de Paris est déjà accueilli fraîchement. Par contre, un transport en commun lourd sur le Plateau de Saclay est indispensable si Christian Blanc arrive à y créer le grand centre universitaire et de recherche de ses rêves, le tronçon Massy-Saclay-Versailles devrait donc figurer parmi les priorités.

Enfin, la ligne A du RER est actuellement à bout de souffle suite à l'afflux de voyageurs. La ligne E devait l'aider en reliant l'Est de Paris à l'Ouest, mais en s'arrêtant à la gare Saint-Lazare, cet objectif est loin d'être accompli. Le projet de relier cette ligne à la Défense, puis à Mantes la Jolie via Poissy a 10 ans de retard, à cause de l'absence de réactivité de la région Ile-de-France. Il est plus que temps de creuser le tunnel permettant ce raccordement. Et ensuite, il sera nécessaire de commencer à étudier le raccordement des gares Montparnasse et Saint-Lazare pour une éventuelle ligne F du RER. Ce serait mieux de le faire avant que nouvelles congestions étouffent à nouveau les transports en commun franciliens.

Tout cela est inscrit dans le discours de Nicolas Sarkozy, mais il n'y a aucun doute sur le fait que tout ne pourra pas être fait à temps. Le rêve est séduisant, mais sa transcription dans la réalité pourrait être bien difficile. C'est pourquoi il faudra toujours garder en tête quels sont les projets prioritaires, et ceux qui relèvent de souhaits d'aménagements à plus long terme.