Les médias accordent beaucoup d'attention à un coup de communication monté par la gauche et les syndicats. Une "votation" organisée ce week-end concernant le statut de La Poste aurait rencontré des résultats très clairs, défavorables à une privatisation. Si l'événement peut paraître spectaculaire, il n'a absolument aucune valeur, tant il n'a rien d'un vote. L'utilisation du terme "votation" est à cet égard assez significatif. Le terme n'a plus vraiment de sens précis en France, c'est un ancien mot renvoyant à l'action de voter. Mais ici, il n'y a pas de collège électoral, de garants de la sincérité du scrutin, et à vrai dire, d'alternative. Une seule solution est possible, le "non". Les organisateurs de l'événement, tels que Sud PTT, sont directement intéressés dans les enjeux présentés. De fait, ceux qui tiennent les urnes et les scrutateurs sont tous d'un seul bord. L'urne en question trône entre deux affiches appelant à s'exprimer contre, et d'une manière générale, ne s'y rendent que ceux qui sont contre. Un meilleur terme pour mieux organiser l'opération aurait été "plébiscite", et les organisateurs montre ici leur vision de la démocratie, celle où tout le monde est d'accord avec eux (les résultats sont presque à 100 % conformes à leur opinion). C'en est en fait une sinistre parodie.

Et si ces résultats et les conditions de cette espèce de scrutin n'étaient pas suffisants pour montrer son aspect totalement bidonné, la question posée suffit pour s'en rendre compte : "Le gouvernement veut changer le statut de La Poste pour la privatiser, êtes-vous d'accord avec ce projet ?" Dès l'énoncé, on tombe sur un mensonge grotesque. Il n'a jamais été question de privatiser La Poste, cette menace imaginaire n'étant brandie que pour permettre de combattre le changement de statut de La Poste, qui demeura une entreprise entièrement détenue par l'Etat français. Toute cette pseudo consultation est fondamentalement malhonnête, et son seul enseignement est que ceux qui sont contre sont contre (quelque chose dont il n'est pas question). C'est en fin de compte assez irréel, et sans répercussion.

Certains commentateurs rebondissent sur ce coup médiatique pour poser la question d'un référendum d'initiative populaire. Il faudrait déjà souhaiter qu'il y ait quelque chose de concret à discuter dans ce cas. Mais plus généralement, ce doit être un instrument utilisé avec les plus grandes précautions et la plus grande parcimonie. Des paniques populaires spontanées ou organisées sont facilement instrumentalisées, et peuvent avoir des conséquences dommageables et durables. L'inconvénient de l'initiative populaire par rapport à celle d'un gouvernement est que la diversités des initiateurs fait qu'il ne peut y avoir de plan d'ensemble dans les décisions prises, et si elles doivent être répétées dans différentes directions, font perdre toute cohérence aux politiques publiques.

C'est d'ailleurs l'un des problèmes qui font que la Californie a traversé une situation de quasi faillite. Il y est assez simple de déposer des "propositions" soumises aux votes, à l'initiative de n'importe quel lobby ou association. Tous les deux ans, les Californiens sont appelés à voter sur tout un lot de questions indépendantes lancées par divers groupes, dont les résultats s'imposent aux autorités élues. Bien souvent, cela a pour effet de créer de nouvelles dépenses ou de nouvelles organisations, sans contreparties en terme de rentrées financières, ce qui a contribué à mettre à mal les finances publiques californiennes. Sans compter le défaut inhérent à ce genre de référendums : la forte tendance à voter sur la base de facteurs sans vraiment en rapport avec la question posée.

Raison de plus de ne pas faire n'importe quoi en France. Mais visiblement, des promoteurs d'intérêts particuliers ont l'air bien décidé à se lancer dans les délires les plus invraisemblables, en commençant par se croire grand démocrates... oubliant qu'ils le sont seulement à la mode soviétique, où une seule réponse existe, et où la question est biaisée.