Les présidents de clubs de foot et de rugby sont bien malheureux : voilà que l'Assemblée Nationale vient de voter au titre du budget 2010 la suppression du "droit à l'image collective". Le dispositif fait en fait référence une exonération de charges sociales sur une partie du salaire (jusqu'à 30 %) des joueurs d'équipes professionnelles. Votée fin 2004, la logique de la mesure est que l'image du joueur peut être utilisée par son club, et qu'il peut donc être rémunéré à ce titre sans que cela constitue son travail, qui lui est bien soumis aux cotisations. La distinction est évidemment tout à fait artificielle, et n'est qu'un moyen pour diminuer le coût des joueurs pour leurs clubs. Le but est d'améliorer leur compétitivité sur la scène européenne, en évitant le départ ou en faisant revenir les meilleurs joueurs français.

Or rien de cela ne s'est passé. La dernière fois qu'une équipe de football française est arrivée en finale de la ligue des champions, c'était Monaco en 2004, avant même le vote de cette mesure. Depuis, le football français est toujours aussi morne. Les meilleures équipes n'ont jamais réussi à dépasser le stade des quarts de finale. Et en matière d'exode de joueurs, la situation n'est pas vraiment brillante. Quand on se félicite du retour de Yoann Gourcuff, cela occulte qu'il était parti en Italie alors que la mesure existait déjà. Et elle n'a pas empêché les départs de Franck Ribéry ou de Karim Benzema, parmi tant d'autres...

Les faits remettent donc en cause l'existence de cette exonération, et la Cour des comptes ne s'est pas empêchée de le signaler. En réponse, le ministère des sports l'avait d'ailleurs reconnu, et on pouvait dès lors espérer que la disposition passe à la trappe. S'il ne représente que 3 % du budget des clubs, le mécanisme a quand même un coût pour l'Etat, qui doit rembourser les 30 à 40 millions d'euros de cotisations aux organismes sociaux. Et en ces périodes particulièrement difficiles pour les comptes publics, on peut être certain qu'il n'est absolument pas dans l'intérêt général d'accorder des passe droits budgétaires aux clubs de foot.

Ne serait-ce que pour le symbole, c'est désastreux. Les joueurs sont notoirement payés à des niveaux qui ne relèvent plus de leurs performances, et les montants des transferts laissent pantois le commun des mortels. Tout cela parce que les clubs sont prêts à se lancer dans d'incroyables enchères, mettant parfois en péril leur viabilité financière. Les Etats n'ont pas à payer pour le manque de sang froid des dirigeants de clubs. En Espagne aussi, une mesure visant à limiter la taxation des joueurs étrangers va être supprimée. Hier, contre Lyon, l'équipe de Liverpool ne comptait d'ailleurs qu'un seul Britannique parmi ses titulaires. Cela contribue à donner aux joueurs une indéniable image de mercenaires, et il serait souhaitable que tout ce milieu remette les pieds à terre.

C'est pour cela que les pleurnicheries organisées par les présidents de clubs sont particulièrement indécentes. Bien sûr, comme tout le monde, ils cherchent à défendre leurs avantages particuliers. Et quand Gervais Martel, patron du RC Lens, loue la "sagesse des sénateurs" pour espérer qu'ils lui redonnent son exonération, et s'en prend à des députés qui ne connaitraient pas les dossiers, il oublie que ce sont les mêmes qui ont voté cette mesure, et qu'ils n'ont pas été les derniers à remarquer qu'elle ne changeait rien au problème. Et aujourd'hui, un coût de ce genre pour la société est simplement inacceptable.