L'UMP doit elle changer d'attitude vis-à-vis du Front National ? La réponse est très simple. C'est non.

Les raisons ont été expliquées ici même, il y a quelques mois, dans le billet Le cordon sanitaire, aujourd'hui comme hier. Mais comme ce serait une réponse un peu courte, on peut aussi la compléter en se demandant pourquoi la question se pose. Il y a bien sûr des considérations tactiques de la part de certains membres déboussolés de l'UMP qui tendent à croire que la gauche au pouvoir serait pire que d'y mettre partiellement le FN. Mais au-delà, il y a surtout les échos de l'affrontement entre Bruno Gollnisch et Marine Le Pen, qui semble être le bruit accompagnant l'avènement de cette dernière à la tête du Front National. Le fait que son père fasse ouvertement campagne pour elle marque une culture où le pouvoir se transmet de manière automatiquement héréditaire. C'est aussi l'opportunité d'un débat sur la direction que doit prendre le parti d'extrême droite.

On peut discerner trois façons de penser au Front National. Les authentiques racistes, qui croient à la supériorité intrinsèque des blancs (voire des Français) sur tout autre groupe, ont peu droit à la parole, et pour cause. La compétition s'engage donc entre les deux mouvances restantes. Bruno Gollnisch apparaît comme le champion des catholiques traditionalistes, un courant de pensée dotée d'une véritable doctrine, qui a progressivement du se replier du royalisme légitimiste vers un conservatisme essentiellement religieux.

La dernière tendance est celle de tous les déçus de la politique, les désespérés, ceux qui sont "simplement" xénophobes, dans le sens où ils ont peur des étrangers lorsqu'ils les perçoivent comme trop nombreux, et donc porteurs de transformations qu'ils redoutent. Leur principale motivation est celle d'un ras le bol global avec toute la classe politique, et leur renonciation qui en résulte des politiques modérés, d'où le fait qu'ils acceptent de se mettre en danger en allant appuyer le Front National. Beaucoup moins marqués idéologiquement parlant, c'est certainement aussi la masse la plus mouvante, celle qui fait que le score du FN est élevé ou non. Le pari de Marine Le Pen est de capitaliser sur ceux-ci, afin de garantir et d'amplifier leur présence. D'où les tentatives de devenir un mouvement plus respectable, pour diminuer les freins qui empêchent un électeur excédé de mettre un bulletin FN dans l'enveloppe. L'idée globale est d'arriver à un point où les gens se demanderaient "pourquoi ce ne serait pas leur tour en fin de compte ?"

Il y a donc une tentative d'adoucir la parole du FN pour le transformer en solution envisageable. Marine Le Pen se montre ainsi favorable à l'avortement, très majoritairement entrée dans les mœurs, ce qui a le don d'exaspérer les catholiques traditionalistes. Le programme du FN a aussi discrètement évolué, certains des points les plus repoussants ayant été éliminés. Il y a quelques années encore, les projets d'endoctrinement nationaliste apparaissaient à travers le texte du programme, notamment en matière d'éducation, avec des cours d'histoire "mettant l’accent sur les pages glorieuses de notre passé". On pouvait également s'interroger lorsqu'il affirmait qu'"une formation équilibrée ne forme pas seulement l’esprit, elle éduque aussi la voix, le regard, la main, c’est-à-dire le bon goût." Et que penser lorsque la page consacrée à la culture déplorait ouvertement qu'Aimé Césaire soit plus joué que l'auteur collaborationniste Paul Morand ?

Ces points-là n'apparaissent plus désormais. Et c'est la nouvelle donne que veut représenter Marine Le Pen. Mais le FN a-t-il changé pour autant ? Eh bien non, encore une fois. Rien n'a été renié, on n'y trouve toujours les mêmes personnes, et la même pensée. Mieux cacher sa façon de pensée n'est pas vraiment une amélioration en soi. Le fin mot de l'histoire est que le programme du FN serait toujours aussi nuisible pour la France.