Le parvis de Notre Dame vient d'être rebaptisé place Jean Paul II par le conseil municipal de la ville de Paris. Si l'UMP et le PS étaient d'accord sur cette décision, ce n'était pas le cas pour les Verts, le Parti Radical de Gauche, le Parti Communiste et plusieurs associations. S'il y eut une polémique, c'est que plusieurs raisons s'entremêlent.

Le premier argument est celui de la laïcité. La France est attachée à sa République laïque, et elle a été défiée à ce niveau là de façon régulière ces derniers temps. Certes, il y a déjà de nombreux lieux et rues qui ont été baptisés en hommage à des personnalités religieuses, et il ne s'agit pas de nier l'influence qu'a eu le catholicisme sur l'Histoire de la France. Mais alors que les controverses religieuses sont si fréquentes aujourd'hui, il faut s'en tenir à une stricte laïcité, pour la conserver comme le ciment qui fait le fondement de notre société depuis un siècle. Dès lors, il doit y avoir un dialogue et un respect pour les institutions catholiques comme pour toutes les autres religions. Mais il n'est pas nécessaire d'en valoriser une par rapport aux autres. La France a rendu hommage au pape Jean-Paul II lors de son décès, en étant fortement représenté à ses obsèques, et en mettant les drapeaux en berne, en considération d'un chef d'Etat ami mort dans l'exercice de ses fonctions. On peut considérer cela comme un traitement normal. Mais il ne faut pas en faire trop, surtout pour un représentant qui n'était que cela, contrairement à d'autres religieux qui se sont illustrés en dehors du cadre de l'Eglise, dans des organisations caritatives par exemple. Ainsi, cet hommage supplémentaire et superflu était une erreur.

D'autre part, même en dehors du souci de respect de la laïcité, on peut se poser la question de savoir s'il faut rendre autant hommage à Jean Paul II. Son long règne fut certes marqué par des réalisations considérables, il eut un rôle important pour la paix et dans la mise à mal du communisme institutionnel. En revanche, il ne prit pas toujours les décisions les plus sages, et cela se voit particulièrement dans son conservatisme religieux, se traduisant par une lutte décidée contre l'utilisation du préservatif, ce qui était irresponsable à l'heure de l'explosion de la mortalité due au SIDA. Il a également combattu l'avortement et l'homosexualité avec un même effort. Un bilan tâché donc, qui ne fut pas pris en compte dans la décision du Maire de Paris. Ce n'est d'ailleurs pas la première personnalité à qui l'on rend hommage de cette façon, sans regard vis-à-vis de la valeur des réalisations de celles-cI. Par exemple, était-il bien nécessaire qu'il y ait un lieu dans Paris nommé après Henri Krasucki, le leader syndical de la CGT ? Quant au quai François Mitterrand, rend-il hommage à l'homme, ce qui serait hautement discutable, ou bien seulement à la fonction présidentielle ? Ce serait alors une espèce de nécessité de circonstance qui voudrait que chaque Président de la Vème République ait un lieu dans Paris nommé à son nom. Mais François Mitterrand avait déjà la Grande Bibliothèque qu'il avait fait construire, comme le Musée du Quai Branly prendra probablement le nom de Jacques Chirac après la mort de ce dernier.

En dernier lieu, est-il bien utile de débaptiser des lieux aux noms bien établis juste pour rendre des hommages de forme à des personnalités disparues récemment, mais qui ne diront peut-être rien aux générations futures. Parfois, même les noms les plus forts ne dominent pas face aux appellations historiques. Ainsi, la place de l'Etoile ou l'aéroport de Roissy sont plus connus par ces dénominations que par le nouveau nom prestigieux qu'il leur a été attribué, celui de Charles de Gaulle. De même, le parvis de Notre Dame, immortalisé par Victor Hugo dans Notre Dame de Paris, sera certainement toujours connu sous ce nom là dans des dizaines d'années. Ce changement de nom apparaît donc vain autant que non justifié. Il n'est alors pas étonnant qu'il ait fait autant débat.