Cette semaine l'hebdomadaire britannique The Economist publie une étude intéressante sur l'état de la France. Parmi les sujets abordés viennent les universités françaises, qui apparaissent peu dans les classements internationaux et ont une approche parfois étrange des enseignements à donner à leurs élèves. L'article compare deux universités proches : Toulouse I et Toulouse II. La deuxième s'est spécialisée dans les sciences humaines comme la philosophie, la sociologie et la psychologie, lorsque la première se concentre davantage sur le droit ou l'économie. Les sciences humaines ont un grand tort : ceux qui en sortent diplômés n'ont d'autres débouchés que ceux de l'enseignement ou presque, lorsque Toulouse I s'est appliqué à chercher des partenariats avec le secteur privé pour professionnaliser les contenus. En fin de compte, Toulouse I apparaît moins comme une voie de garage pour ses étudiants alors que Toulouse II se complait dans une approche intellectuelle rejetant le monde de l'entreprise, d'où une mentalité comportant encore des éléments issus du marxisme, rejetant une vision utilitariste des diplômes en préférant "le combat social" en matière d'avenir professionnel, comme l'a montré sa mobilisation contre le CPE. Encore une fois, le monde de l'entreprise est férocement rejeté au profit d'un secteur public qui devrait tout régler pour chacun, sans jamais recourir aux notions de profit ou de performance. Ainsi, Dominique Strauss-Kahn est accusé par Laurent Fabius de vouloir "privatiser les universités" lorsqu'il prône l'aide des entreprises comme sources de financement supplémentaires. Ce sont pourtant elles qui devront recruter en fin de compte une majorité des étudiants issus des bancs des universités. Mais ce n'est pas la vision que semblent avoir certains de ces étudiants, et même de certains de leurs professeurs.

Le fait que certains diplômes n'aient aucune valeur sur le marché du travail repose en partie sur le fait qu'il y a tellement de diplômés dans certaines branches qu'ils dépassent totalement les besoins des entreprises. D'une manière générale, les universités françaises souffrent de trois problèmes majeurs, héritiers des réformes de mai 68 : le manque de sélection, l'absence d'autonomie et le refus de la compétition entre elles. Il ne peut y avoir compétition si elles sont toutes semblables, ce qui devrait être le cas. Or il existe bien des différences entre les universités, parce que le niveau des professeurs quoiqu'on en dise est variable, comme les cultures qui y règnent, mais ce ne peut être assumé. Considérer qu'elles sont toutes faites pareilles enlève une dimension à l'analyse des universités françaises, et pousse à envoyer systématiquement les étudiants dans les universités assignées par la carte scolaire, quels que soient leurs besoins et leurs capacités. L'absence de compétition revient à refuser à ce que les universités développent de bonnes réputations, pourtant estimables au niveau mondial.

Enfin, le manque de sélection à l'entrée est probablement l'élément le plus handicapant pour les universités françaises. Toutes les autres études universitaires en ont, que ce soient les classes préparatoires, les différentes écoles directement après le bac ainsi que les filières courtes comme les BTS et les DUT. A ceux qui souhaitent vraiment faire des études longues à l'université s'ajoutent alors tous ceux qui ont été refusés des autres filières, alors que le baccalauréat n'a plus aucun rôle de filtre. L'absence de sélection favorise également les errements d'orientation et fait un appel d'air pour les étudiants les moins motivés. En conséquence, le premier cycle universitaire s'est progressivement transformé en cycle de sélection avant de passer aux choses sérieuses, faisant perdre deux ou trois ans à ceux qui réussissent comme à ceux qui échouent, gâchant également les moyens employés pour ce temps d'enseignement, alors que les universités auraient besoin de davantage de crédits et de cours moins magistraux. En fin de compte, ce sont de nombreux diplômés brillants issus de l'université qui voient leurs diplômes sous-estimés par les employeurs, du fait d'une mauvaise connaissance des différences entre les diplômes et par une certaine méfiance qui a fini par s'installer vis-à-vis du système universitaire.

Il ne faut donc pas avoir peur de la sélection à l'entrée des universités, ou de l'implication d'entreprises dans les programmes de recherche et d'enseignements. Les entreprises ne pourront que favoriser leur amélioration, en orientant le contenu des cours et de la recherche vers des domaines utiles pour le monde économique, et c'est bien parce que celui-ci est insuffisamment pris en compte que les universités françaises sont aussi faibles aujourd'hui. Il suffit de voir l'exemple de Paris IX Dauphine, une université spécialisée dans l'économie avec une grande réputation, des diplômes recherchés, une sélection à l'entrée et une écoute attentive du monde de l'entreprise. Une sélection à l'entrée permettrait également de ne pas former inutilement plus de psychologues ou de sociologues qu'on en a besoin, évitant ainsi à certains étudiants des années d'études inutiles et le chômage à la sortie.

Certes, les plus grandes universités mondiales obtiennent des budgets colossaux en demandant à leurs étudiants des frais d'inscription énormes comparativement à la France, et l'enseignement public étant gratuit en France, il n'est pas question de les augmenter. Mais en contrepartie d'un meilleur financement par l'Etat, les universités doivent quitter l'idéologie marxiste et absurdement égalitariste qui prédomine en leur sein, pour leur permettre d'avancer à nouveau.