Une des ambitions de différents titres de presse ou émission est de mieux faire comprendre l'actualité. Un mot a fini par s'imposer pour désigner cela : décryptage. L'idée est que les informations seraient cryptées, auraient une signification mystérieuse que les journalistes s'emploieraient à rendre compréhensible, à défaire ce cryptage. Le but est alors de partir de faits pour arriver à une signification. Mais il y a un soucis : l'Histoire n'est pas quelque chose de brut qui a un sens objectif. Les événements ne sont pas cryptés, il n'y a que des faits dont l'agencement est susceptible d'interprétation. Et c'est précisément ce dont il est question avec le décryptage : trouver une interprétation aux faits. Et cette interprétation est personnelle, subjective. Les tentatives de décryptage sont donc autant d'interprétations orientées d'événements, voire même de manipulation : là où un éclairage est censé être apporté, il y a surtout l'ajout d'une nouvelle couche d'opinions. En fait, le décryptage, c'est la plupart du temps du spin : l'apport d'un angle de vue dans un sens donné, où chaque personne n'a plus à se faire sa propre opinion sur un fait, mais sur une interprétation d'un fait.

Les journaux ont beaucoup de travail à faire, notamment dans le travail d'information, aussi précis et complet que possible. Il est préférable qu'ils proposent leurs propres opinions dans des espaces séparés des informations brutes, via des éditoriaux ou des tribunes par exemple. Et à l'expérience, il apparaît que le travail de décryptage qu'ils revendiquent devraient entrer dans ces catégories. Par exemple, l'émission Arrêt sur Images proposait chaque semaine sa vision très orientée de l'actualité plutôt qu'une mise en perspective neutre. Les lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs doivent simplement être conscient de cela. Et il appartient aux "décrypteurs" d'assumer le côté très personnel de leur travail.