Il semble qu'en fin de compte les 23 bleus de la dernière coupe du monde ne toucheront aucune prime, en renonçant à leurs droits à l'image tant pour la compétition en elle-même que pour les matchs de qualification. C'est tout à fait normal, pour deux raisons. D'abord d'un point de vue moral, vu qu'ils n'ont pas à être généreusement récompensés pour une prestation dans laquelle ils ont été pire que mauvais. Ensuite d'un point de vue économique : les droits à l'image sont la rémunération obtenue par les athlètes pour que les sponsors puissent se servir de leur image pour valoriser leur marque. En l'occurrence, l'image qu'ils ont donné a été si mauvaise qu'elle a pu dévaloriser celle des sponsors. Ceux-ci ont demandé réparation à la Fédération Française de Football, et ont obtenu des remboursements. Il était dès lors normal que la fédération ne souhaite pas verser quand même de l'argent qu'elle n'a plus à sa disposition.

L'équipe de France aurait quand même pu se passer de ses ultimes tergiversations. Lorsque Patrice Evra a annoncé qu'ils renonçaient à tout, cela n'aurait pas du aller plus loin. Le scandale n'était même pas qu'ils aient produit une mauvaise performance pendant les matchs. A l'instar de tous les sportifs, ou même de tous ceux qui font quelque chose, il arrive que cela ne fonctionne pas. Il est néanmoins préférable de mettre le maximum de chances de son côté, de travailler pour la réussite. Le terrain était déjà propice à la polémique, puisque le public avait le sentiment que ce n'était pas le cas, en maintenant un sélectionneur qui avait gravement échoué pendant l'Euro précédent, et avait obtenu la qualification de son équipe dans des conditions particulièrement douteuses.

Mais le psychodrame de Knysna était une pure folie. D'abord, les insultes proférées par un joueur envers l'autorité (en l'occurrence Raymond Domenech) n'ont pas été immédiatement sanctionnées. L'exemple est particulièrement terrible. Ensuite, la "grève" des autres joueurs dans le bus a été encore pire. En refusant de s'entraîner, ils ont définitivement montré qu'ils se moquaient de leurs performances, qu'ils n'avaient pas envie de se donner à fond. Et tout cela pour soutenir l'arrogance de leur camarade...

Cela a symbolisé d'une manière plus globale le sentiment de la part du public que le football, leur sport préféré, perd le sens des réalités et des exigences minimales. Les sommes d'argent dont il est question posent particulièrement problème. Les footballeurs sont extrêmement bien payés. Qu'elle en est la logique ? Normalement, cela se justifie car les footballeurs sont peu nombreux à faire tourner une industrie qui rapporte des dizaines de millions d'euros à chaque club. Il est donc logique qu'ils en reçoivent une part importante sous forme de rémunération. Mais en fin de compte, ce n'est pas vraiment le cas. Les salaires se justifient sur l'offre et la demande, où il y a une demande très forte pour quelques super stars seulement, réclamés par les supporters de plusieurs clubs. Les salaires de ceux-là explosent, sans que cela soit compensé par des revenus supplémentaires équivalents pour le club. Résultat, ils sont nombreux à être en déficits et à avoir toutes les peines du monde à équilibrer leurs comptes.

En France, le système est arrivé à une voie de garage : tous les clubs ont comme modèle économique de prospérer sur les transferts. Il consiste à former ou développer la valeur économique de joueurs pour pouvoir les revendre à des clubs étrangers (riches théoriquement, mais déficitaires eux-aussi) à bon prix. En conséquence, ils n'ambitionnent plus sérieusement de remporter les compétitions européennes. Les grands clubs européens, eux, sont dans une fuite en avant, en étant soutenus financièrement par des personnalités richissimes ou bien refusant de voir obstinément qu'un jour il faudra payer la facture. Et tout cet argent arrive dans la poche de footballeurs souvent jeunes, voire immatures, et dont certains perdent rapidement le sens des réalités. Il y a de quoi être circonspect. Qu'il y ait de l'argent dans le football n'est pas un problème en soi. Le fait que le modèle économique ne fonctionne pas et que les valeurs sportives soient oubliées en est un. Dans toute l'Europe, il doit y avoir davantage de fair play, non seulement sportif, mais aussi financier.