Voilà le genre de titres qui feront bientôt la une des journaux... L'équipe de France de football pratique une horrible discrimination envers ceux qui n'ont pas la nationalité française ! La préférence nationale lepéniste d'ores et déjà appliquée dans les plus hautes instances du sport tricolore ! Quelle honte ! Quel scandale ! Au moins cela reposerait sur une affirmation exacte. Ce qui n'est même pas le cas de "l'affaire" révélée par les militants idéologiques du site Mediapart. Ceux-ci se rengorgent de pouvoir à nouveau démarrer une polémique parfaitement stupide, qu'ils pourront alimenter pendant des semaines en ne donnant qu'au compte-goutte les "éléments" vaguement accusateurs qu'ils ont accumulé, plutôt que d'y voir clair en mettant tout d'un coup sur la table. Au final, tout cela ne fera qu'exposer le bien glauque climat général français, fait d'accusations péremptoires de racisme et de chasses à l'homme. D'ores et déjà, les "preuves" apportées par ce site ne font que saborder ses propres affirmations, mais permettent néanmoins de rallumer la braise malsaine de la confusion des valeurs.

A la base, une réunion de travail à la Direction Technique Nationale (DTN) du football français vieille de six mois. Le sujet des joueurs possédant une double nationalité est évoquée. Les participants constatent que nombre de ces joueurs passés par une formation française (l'Institut National du Football de Clairefontaine, qui s'occupe de la préformation de futurs espoirs de l'équipe de France pour le compte de la Fédération Française de Football) choisissent in fine de jouer pour des équipes étrangères. C'est d'ailleurs un point qui avait déjà été abordé devant les caméras par Laurent Blanc, qui regrette ce qui s'apparente à des comportements de mercenaires. Pour pouvoir limiter ces défections, plusieurs idées sont lancées en l'air : essayer de détecter les jeunes joueurs pour qui jouer pour la France compte vraiment, ou bien ne pas dépasser un quota de 30 % de joueurs binationaux. Cette dernière possibilité est rejetée, considérée comme discriminatoire par l'un des participants.

Autre sujet abordé dans cette réunion : les qualités des joueurs acceptés en pré-formation. Selon Laurent Blanc, le recrutement français se ferait selon un stéréotype, les joueurs "grands, costauds, puissants". Les performances athlétiques sont privilégiées au détriment des qualités techniques, ce qui élimine un certain nombre de talents qui seraient mieux acceptés par d'autres sélections européennes. La qualité général du football français serait la conséquence de tels choix. Pendant tout la discussion, Laurent Blanc répète qu'il ne veut pas que les critères relèvent du racisme et qu'il serait parfaitement satisfait de joueurs respectant ces nouvelles orientations, quelle que soit leur couleur de peau.

En fait, ni Laurent Blanc ni même le milieu du football français ne peuvent sérieusement être suspectés de racisme. C'est d'ailleurs le domaine où les personnes de couleurs sont les mieux représentées. Les blancs sont régulièrement minoritaires dans nombre d'équipes, y compris celle de France. Laurent Blanc, dans ses choix de sélectionneur, a lui-même montré qu'il ne faisait aucune discrimination à ce niveau-là. La conversation citée ne permet pas de tenir les propos qu'a tenus Mediapart sur Laurent Blanc ou la DTN.

Le texte introductif de l'article est parfaitement faux : "Moins de noirs et moins d'arabes sur les terrains de foot ! Plusieurs dirigeants de la Direction technique nationale de la Fédération française de football, dont le sélectionneur des Bleus, Laurent Blanc, ont approuvé dans le plus grand secret, fin 2010, le principe de quotas discriminatoires officieux dans les centres de formation et les écoles de foot du pays. Objectif: limiter le nombre de joueurs français de type africains et nord-africains." Comme dit, il ne s'agit pas de limiter les joueurs français de type africains ou nord-africains, mais de privilégier des joueurs plus techniques (qu'ils soient noirs ou blancs) et de limiter les défections en équipe de France.

Cette opération médiatique relève donc de la malhonnêteté intellectuelle crasse. Leurs auteurs mélangent intentionnellement la notion de quota, abordée rapidement pour les joueurs binationaux (qui peuvent être autant d'origine européenne qu'africaine ou nord africaine), et le fait que les joueurs athlétiques sont moins appréciés. Pire, on s'aperçoit que n'importe quel propos lancé en l'air dans une discussion ordinaire peut être manipulée et jugée pour porter les pires accusations. Ce qui est frappant, c'est que dans la polémique actuelle, on ne se soit jamais soucié du caractère fondé ou non des affirmations des uns et des autres. Le fait même d'avoir abordé les notions de "quota" et de nationalité est un acte d'accusation. Laurent Blanc est poussé à présenter des excuses sans bien comprendre pourquoi, et le directeur technique national est suspendu par une secrétaire d'Etat qui veut éviter d'être accusée à son tour.

Cela commence à être une habitude. Un chroniqueur a d'ores et déjà été condamnée pour avoir des propos susceptibles de justifier une discrimination, sans que personne ne se pose la question de savoir si le fond de son propos était exact ou faux. Alors qu'on s'enorgueillit de bénéficier d'une certaine liberté d'expression, on s'aperçoit que des tabous sont érigés et appliqués férocement. On ne juge pas un propos sur le fait qu'il soit vrai ou non, mais sur l'opportunité de le tenir. Comment envisager une telle évolution sans faire le rapprochement avec la police de la pensée orwellienne ? Mais essayer de crucifier Laurent Blanc pour un prétexte aussi ahurissant ne fera que le transformer en un martyr.