En analysant le projet socialiste en décembre dernier, ce blog avait relevé le reproche qui y était fait à la concurrence "stérile" faite par les classes préparatoires et les grandes écoles aux universités. De ce constat, le projet socialiste tirait comme conclusion qu'il fallait les "rapprocher". Cela peut dire deux choses. Cela peut être de faire participer les deux institutions à des regroupements visant à la coopération en matière de recherche. C'est en fait la politique actuelle du gouvernement. Mais ce peut également être le fait de faire passer les grandes écoles dans le giron des universités, et les faire "fusionner". Ce qui voudrait bien évidemment dire la suppression du modèle des grandes écoles, et donc leur suppression in fine.

Il semble bien que c'est cette deuxième voie qui est privilégiée par la gauche. Lorsque les Jeunes Socialistes font huit propositions pour la présidentielle de 2012, l'une d'entre elle est cette "fusion" des grandes écoles et des universités. L'explication brève : "Mutualiser les moyens des grandes écoles et des universités pour donner la meilleure formation à tous les étudiants." Dans le détail, le crime est que la formation des étudiants en classes préparatoires coûte plus cher que celle des étudiants à l'université. En fusionnant tout ça, on augmenterait le budget des étudiants à l'université. Evidemment, comme les effectifs de l'université sont bien plus importants que ceux des classes préparatoires, l'augmentation de moyen par étudiant ne permettrait pas les progrès substantiels envisagés.

On se rend vite compte que pour les Jeunes Socialistes, le vrai problème est ailleurs : "Des années de politique de droite n'ont cessé d'améliorer la structure de ces établissements d'élite (création des classes préparatoires aux grandes écoles, système toujours plus sélectif, budget sans cesse grandissant...)". Les classes préparatoires datent du XIXème siècle, les effectifs des étudiants aux grandes écoles tendent à augmenter avec le temps, et bon nombre d'entre elles sont privées et ne reçoivent pas de subsides de l'Etat. Mais peu importe, le problème, c'est la politique de droite. La sélection à l'entrée des grandes écoles est le sceau de leur inégalité, et donc de leur philosophie droitière. Et c'est pour ça qu'elles doivent être supprimées.

Eva Joly, candidate des Verts à la présidentielle, s'est également prononcée en faveur de la suppression des grandes écoles. "Les grandes écoles sont au centre de l’inégalité française" a-t-elle dit récemment. Elle constate que bien des gens qu'elle n'aime pas, comme "les grands patrons des banques françaises" sont issus des grandes écoles, et forment donc une oligarchie française qu'il faut détruire, les grandes écoles étant coupables de former "une élite qui a perdu de vue l’intérêt général". Le raisonnement est tout bonnement d'une stupidité sans nom. Ce n'est pas la formation supérieure que l'on reçoit qui créé les idées des personnes qui y passent. Si Eva Joly a du mal à s'en convaincre, elle n'a qu'a demander à Cécile Duflot, qui est elle-même passée par une grande école de commerce, et qui ne semble pas avoir des idées si différentes des siennes.

Toute la question peut en fin de compte être résumée en un constat : alors que les universités peinent sur certains aspects, la réussite des grandes écoles semble insupportable. Pourtant, chaque lycéen peut demander à s'inscrire en classe préparatoire, et dans certaines filières, les concours servent surtout à distribuer les étudiants entre les écoles suivant leur niveau. La volonté de supprimer les classes préparatoires s'apparente à une philosophie qui souvent cours à gauche, celle du nivellement par le bas. Plutôt que d'avoir les meilleurs élèves bénéficier d'une bonne formation, il faut que tous les élèves bénéficient d'une formation standardisée. C'est plus égalitaire, mais est-ce vraiment plus juste ? Plutôt que de vouloir la peau des grandes écoles pour qu'elles ne fassent plus d'ombre aux universités, ne faudrait-il pas plutôt chercher à vraiment améliorer ces dernières ? Le secret de la réussite des grandes écoles est bien connu : c'est la sélection à l'entrée. Et c'est ce dont les universités ont besoin.