Le capitalisme est souvent contesté, directement (par les trotskistes ou tout groupe communiste) ou indirectement (quand rien ne va, c'est de la faute à la Société, dont l'un des critères principaux est d'être d'essence capitaliste). A la base, le capitalisme, c'est la propriété privée des moyens de productions. Dans la grande théorie marxiste traditionnelle, elle engendre l'exploitation de l'homme par l'homme, dans la mesure où le propriétaire s'accapare une partie de la richesse créée par le travail. De fait, il est au centre de la lutte des classes, où propriétaires et salariés se disputent les richesses crées. L'analyse de Marx, qui a sa pertinence, a été prolongée par un peu tout le monde, et il se voit accuser d'engendrer les inégalités et l'injustice, surtout dans sa version libérale.

Examinons le capitalisme libéral théorique : par la confrontation de l'offre et de la demande, dans une situation de concurrence pure et parfaite, tout s'ajuste au prix d'équilibre. Si le prix n'est pas suffisant, on passe à autre chose, et d'une manière générale, l'intérêt général est quand même au mieux malgré ces conflits entre individualités. En effet, la main invisible des intérêts particuliers forme l'intérêt général. Si chacun s'enrichit individuellement, c'est la société entière qui sera plus riche en fin de compte. L'Etat (en tant que secteur public) ne s'occupe alors que de missions régaliennes vitales qui nécessitent l'apport obligatoire de tous pour leur bon fonctionnement.

Dans le système communiste, la main invisible n'existe pas, l'intérêt général ne peut être servi par des intérêts particuliers. Le nombre des missions vitales que doit assurer l'Etat augmente alors considérablement, passant à peu près toutes les activités, hormis domestiques. Il ne s'agit pas là du communisme idéalisé et réalisé (où Etat et argent n'existent plus), seulement des systèmes de transition du capitalisme à ce modèle théorique, les seuls qu'on ait vus en fait. Donc, dans un pays communiste, l'Etat est garant de l'intérêt général, organise la gestion des moyens de production, et chacun doit suivre avec entrain mais sans récompenses individuelles les plans fixés par le plan.

L'intérêt général, voila le but recherché par ces deux systèmes. Ils souffrent tout deux de maux qu'on peut analyser à la lumière de modèles théoriques économiques de base.

Dans le communisme, tous les travailleurs sont égaux. Théoriquement, ils devraient tous gagner le même salaire donc, puisque chacun a une importance égale dans son apport à la Société. Là où le communisme est naïf, c'est qu'il considère que tous les hommes sont bons, dans la mesure où livrés à eux-mêmes, leur seule ambition serait de participer au développement de l'intérêt général. Rousseau devait bien être l'un des inspirateurs de la pensée communiste... Malheureusement, l'expérience montre que ce n'est pas le cas. Sans motivation individuelle (ni récompenses, ni sanctions), l'intérêt général ne suffit pas toujours à animer les gens. Si l'on considère que chaque homme s'intéresse quand même un peu plus à ce qui lui arrive à lui plutôt qu'au premier inconnu venu, la défaillance du modèle apparaît. Le travailleur non motivé n'est pas productif. Même si sont introduits des sanctions en cas de non-travail (grâce au système totalitaire communiste, eh oui), et des récompenses pour ceux qui sont particulièrement motivés (médailles, glorification de Stakhanov), ça ne suffit pas si ça ne remet en rien en cause votre quotidien. Le travailleur peu motivé se limitera donc à ce que lui demande de faire le plan, rien de plus, voire même moins s'il n'y a aucune sanction pour lui.

On arrive au mécanisme du passager clandestin : individuellement, le travailleur a un intérêt faible à servir la société s'il n'y trouve pas d'intérêt direct pour lui, et que les autres peuvent s'en occuper à sa place. Si chacun adopte ce même raisonnement, l'intérêt général est faiblement servi. D'où la production de qualité médiocre des pays communistes, le rationnement permanent pour les biens de consommation, produits en quantité insuffisante et un essor économique très faible. La doctrine et le patriotisme sont exaltés pour motiver le peuple à servir la communauté, mais rien n'y fait : lorsqu'on autorise les agriculteurs à cultiver un bout de terre pour leur propre compte, leur productivité devient incroyable vis à vis de celle observée sur les terres de la collectivité. Telle est la faiblesse du système communiste, qui engendre en fin de compte, une relative pauvreté pour tous (là, l'égalité est assez bien respectée).

Le capitalisme doit lui composer avec une main invisible qui a des ratés. La théorie des jeux montre qu'il existe des équilibres de second rang. Ce n'est plus le passager clandestin qui est au centre du problème, mais le dilemme du prisonnier. Rappelons-le d'abord : si deux malfaiteurs complices sont emprisonnés en même temps, et qu'on propose à chacun la liberté s'il dénonce son comparse sans être dénoncé de lui, un an de prison si personne ne dénonce l'autre, trois ans s'il dénonce l'autre et que celui-ci fait de même, et dix ans s'il se fait dénoncer par l'autre sans le dénoncer. Si chacun présuppose en l'autre un intérêt égoïste (à tort ou à raison), le plus intéressant pour soi est de considérer que l'autre prisonnier n'hésitera pas à dénoncer. Pour limiter les dégâts, il faut le dénoncer aussi. Voila comment ils vont tous les deux faire trois ans de prison au lieu de un. Deux décisions individuelles et séparées ne produisent pas forcément le meilleur choix possible. Tout le jeu de la concurrence repose sur ce genre de décisions.

La main invisible qui aurait du jouer est donc elle aussi faillible. La concurrence aboutit parfois à des équilibres imparfaits, où tout le monde est perdant. Nier que le capitalisme est parfait serait une grave erreur, mais heureusement il est possible de faire varier l'intervention de l'Etat pour guider le marché vers l'intérêt général en certaines occasions, même si cela est combattu par les tenants d'une doctrine libérale pure.

Alors, communisme ou capitalisme ? Les deux sont faillibles. Le communisme véhicule de superbes idéaux de communauté, de solidarité, de bonté... et il faut bien reconnaître que la doctrine complète de Marx pouvait laisser bien rêveur. Pas étonnant qu'il y ait tant de personnes qui aient oeuvré à la création d'une société communiste. Seulement, l'expérience parle. On a pu comparer les deux systèmes entre 1917 et 1990, l'un s'est écroulé, l'autre non. En voulant limiter les contraintes totalitaires du régime communiste russe, c'est tout le bloc de l'Est qui a voulu sortir de sa langueur, et qui n'a pas tardé à se convertir à une économie de marché. Les pays communistes restant sont soit encore extrêmement totalitaires (comme la Corée du Nord), soit plus vraiment communiste sur le plan économique (comme en Chine). Pendant ce temps, le capitalisme, bien qu'imparfait, continue son petit bonhomme de chemin. La baisse tendancielle du taux de profit, si longtemps prophétisée, n'est pas effective, et bon nombre de travailleurs préfèrent réformer le capitalisme que de l'abolir, preuve qu'il est quand même soutenable. En plus, le capitalisme s'épargne la plupart du temps le côté totalitaire. Aujourd'hui, il est clair que le communisme n'est pas viable à long terme, et qu'il génère en plus des dirigeants totalitaires.

Comme la démocratie, le capitalisme est le moins pire des systèmes, il est donc inutile d'autant lui cracher dessus. Et comme, de systèmes, il n'en existe que deux qui soient cohérents, il n'y a rien d'autre à mettre à la place. A moins que quelqu'un ait une idée fantastique de système économique cohérent, différant totalement du communisme et du capitalisme... dans ce cas, cela vaudrait le coup de se pencher dessus. Toutes les idées sont les bienvenues !