Marronniers traditionnels des mois de juin et de juillet, l'examen du baccalauréat et l'annonce de ses résultats posent chaque année la même question : que vaut le baccalauréat aujourd'hui ? Les ministres ont beau changer, leur réponse est toujours la même. Le bac garde toute sa valeur. Et cela même si les taux de réussite ont drastiquement augmentés (on peut même parler d'explosion) sur les dernières décennies. Peuvent-ils vraiment dire autre chose ? Le moindre commentaire négatif les verrait accusés de dévaloriser le premier diplôme de centaines de milliers de jeunes, et lancerait immédiatement une polémique sur l'opportunité de conserver l'examen sous sa forme actuelle.

Il y eut, dans les années 80, une politique assumée de massification de l'enseignement secondaire au niveau du lycée. Encore aujourd'hui, Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l'Education de l'époque, fait valoir qu'il s'agissait d'une "volonté politique progressiste". Mais s'il affirme que la qualité doit rester la même avec l'augmentation du nombre des élèves, force est de constater que sur ce point, il n'a pas été suivi. Plusieurs éléments permettent de le penser. Déjà, la simplification des épreuves : dans les baccalauréats généraux et techniques, la dissertation n'est plus qu'optionnelle dans les matières où sa maîtrise était autrefois indispensable. Dans certaines épreuves, comme celle de mathématiques, il y a même des QCM : l'élève choisit sa réponse sans avoir besoin de la démontrer, et sans être sanctionné en cas d'erreur. En outre, si les rapports d'examinateurs ne cessent de parler de compétences généralement à peine maîtrisées, le niveau général des notes tend à augmenter. Les témoignages sur les fameuses réunions d'"harmonisation" des notes affluent : il s'agit en fait de réévaluer à la hausse l'ensemble des copies pour éviter des résultats globaux trop mauvais. Et cela se passe chaque année. Et si cela ne suffisait pas, la mascarade des options prend le relais. Entre le TPE et les options facultatives, la moyenne générale de l'élève est forcément augmentée, sans aucun risque pour lui.

Aujourd'hui, tout lycéen travaillant normalement tout au long de la terminale est sûr d'avoir son bac. La question ne se pose que pour ceux qui commencent à s'en soucier au dernier moment, certes très nombreux à cet âge. Mais pour les autres, l'incertitude est plus sur la mention que l'on va décrocher. Et ceux qui travaillent vraiment ont peu de peine à taper haut. Le journal Le Figaro explique ainsi que la moitié des bacheliers décrochent une mention aujourd'hui (contre 32 % en 1967), et même 7 % obtiennent la mention très bien (contre 0,3 %). Dès lors, comment s'étonner que le nombre d'élèves parvenant à avoir plus de 20/20 de moyenne générale se multiplie, à tel point que cette année on en a trouvé deux dans le même lycée de Brest ?

Pour ces raisons, certaines personnes préconisent d'instaurer un contrôle continue au lycée, afin d'éviter les coûts de l'organisation de l'examen. Cela finirait en effet de transformer le bac en mascarade, comme l'est devenu depuis bien longtemps le brevet des collèges. Mais il y a un enjeu derrière cela : le bac donne la possibilité d'entrer à la fac, et le taux d'échec y est tel que l'on peut parler d'un énorme gâchis humain. Les facs ne peuvent sélectionner leurs étudiants, et le seul passeport d'entrée est presque donné dans une pochette surprise. Elles sont donc obligées de gérer une foule d'étudiants qui n'ont dès le départ pas le niveau, et dans de nombreux cas, la sanction tombe dans les deux premières années d'université. En considérant cela, la plaisanterie est un peu moins drôle.