Le parti républicain américain peut se décomposer en trois familles de pensée. Les néo-conservateurs se préoccupent essentiellement de politique internationale et veillent à ce que l'influence américaine soit inégalée. Les libéraux souhaitent surtout que l'économie ne soit pas entravée de réglementations et de taxes en tous genres. Le troisième et dernier courant, la droite chrétienne, n'est pas le moindre. Il rassemble ceux pour qui la religion est la chose la plus importante, et qui veulent que les affaires publiques soient gérées en prenant en compte les enseignements de la doctrine chrétienne. La religion a toujours été forte aux Etats-Unis, c'est même un lieu commun que de le dire. Ce sont après tout d'ancien rigoristes protestants qui ont donné naissance à cette nation, et Tocqueville n'avait pas manqué de noter la force du sentiment religieux qui y règne dans son ouvrage de référence, De la Démocratie en Amérique. Si l'on a pu momentanément oublier ce fait autrefois, la religion s'impose à nouveau dans le débat public depuis l'arrivée au pouvoir de Ronald Reagan, un président qui est vu comme la référence du parti républicain aujourd'hui, car il avait précisément su unifier ces trois tendances.

Les échecs de George Bush père et de Bob Dole aux élections ne sont pas sans lien avec leur faible interaction avec la droite religieuse. Il faut maintenant compter cette dernière comme une force influente, faiseuse de roi. C'est d'ailleurs elle qui avait permis l'élection de George Bush fils en étant la colonne vertébrale de ses supporters pendant sa campagne. George Bush lui-même en fait partie, en n'hésitant pas à se définir comme un "born again christian", un homme qui a redécouvert la foi après avoir erré dans l'erreur. Il n'a pas hésité pendant ses deux mandats à agir comme le lui dictait sa foi, et à oeuvrer sur des questions telles que l'interdiction de l'avortement ou du mariage homosexuel, deux sujets chers aux évangélistes.

Au début de la campagne présidentielle en cours, la droite religieuse semblait dans le désarroi. Elle rejetait l'ensemble des candidats démocrates, qui agissent directement contre elle, mais ne semblait pas trouver de candidat à son goût parmi les républicains. Les plus connus, John McCain et Rudolf Giuliani, apparaissaient comme des centristes, l'ancien maire de New York étant même pour le droit à l'avortement. Quant à Mitt Romney, s'il avait bien la religion ancrée en lui, il avait le tort de ne pas avoir la bonne : être mormon c'est être définitivement dans l'erreur pour les évangélistes. Mais au fur et à mesure de la campagne, elle apprit à connaître en Mike Huckabee l'un des siens. L'ancien gouverneur de l'Arkansas s'était d'abord fait connaître pour son livre de régime, inspiré par sa propre spectaculaire perte de poids. Mais lorsqu'il se lança dans la présidentielle, il connut longtemps des scores ridicules dans les sondages, avant d'émerger comme le candidat des évangélistes, étant lui même un pasteur protestant. C'est ainsi qu'il a fini premier dans le caucus de l'Iowa du 3 janvier dernier.

Mike Huckabee a le vent en poupe. Il peut avoir du mal à rassembler derrière lui les deux autres familles de pensée démocrate, mais il semble indispensable au parti républicain pour l'élection à venir, dans la mesure où le ticket qui se présentera devra pouvoir compter sur le vote évangéliste. D'une manière ou d'une autre, il comptera à l'avenir du côté de la droite américaine.