Deux sénateurs ont déposé une proposition de loi visant à ce que les petits excès de vitesse ne soient passibles que d'une amende, et non également d'une perte d'un point comme c'est le cas actuellement. Ainsi, si la limitation de vitesse serait dépassée de moins de 5 km/h, aucun point ne serait retiré. L'argument développé par les promoteurs de ce texte serait que la suppression du permis de conduire engendre des drames sous la forme de pertes d'emplois. Un sondage fort opportun souligne que les Français seraient très majoritairement favorables à une telle mesure. Cela n'est pas étonnant, tant les conducteurs ont tendance à penser qu'ils sont à l'abri et que ce sont les autres qui sont dangereux : les condamnations sont dès lors la plupart du temps mal vécues. La proposition de loi prévoit également une disposition visant à ne plus supprimer de points si le conducteur ne porte pas la ceinture de sécurité.

Nicolas About et Pierre Jarlier, ces deux sénateurs, cherchent tout simplement à saborder le permis à point. Selon leur logique, on peut commettre des délits routiers, il suffit de payer les amendes, mais il ne faudrait pas retirer le permis car il est essentiel dans la vie quotidienne. Mais si le code de la route n'est pas respecté, à quoi bon un permis de conduire ? Il y a douze points sur un permis de conduire. Pour que celui-ci soit vraiment susceptible d'être retiré, il faudrait commettre douze de ces "petites" infractions. Si quelqu'un n'est pas capable de comprendre qu'il faut faire attention sur la route après onze rappel à l'ordre, il est bien temps de se demander s'il est souhaitable qu'il conduise. En outre, les excès de vitesse inférieur à 20 km/h occasionnent certes une perte d'un point, mais ce point est réattribué au bout d'un an si aucune autre infraction n'est commise pendant ce délais. Lorsque l'on sait qu'il y a déjà une petite marge entre la vitesse réelle et la vitesse figurant sur le procès verbal (une infraction constatée à 131 km/h sur autoroute par exemple consiste en fait en une vitesse réelle de 136 km/h), cette notion de petit excès de vitesse perd déjà en crédibilité.

Cette proposition de loi est donc non seulement inutile, mais aussi dangereuse. La lutte contre la violence routière fut une préoccupation importante de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy lorsque ceux-ci étaient respectivement Président de la République et ministre de l'Intérieur. La diminution importante du nombre de victimes fut la conséquence avant tout d'une approche basée sur la répression, signe que l'on prenait enfin la délinquance routière au sérieux. Le problème n'est pas que les lois ne sont pas connues, mais qu'elles ne sont pas respectées. Là, l'idée est de pouvoir passer outre à condition d'en avoir les moyens. 80 % des conducteurs n'ont aucun point en moins sur leur permis, ce sont ces conduites sûres qu'il faut encourager. Ces deux sénateurs devraient avoir honte de leur combat irresponsable.