Voici un nouveau marronnier pour les journalistes politiques : depuis presque deux ans, l'institut de sondage Opinion Way cherche à savoir chaque mois quel fut le meilleur opposant à Nicolas Sarkozy pendant le mois passé. Ce n'est que l'une des multiples questions du baromètre réalisé pour Le Figaro et LCI, mais ses résultats sont invariablement repris par l'ensemble des médias. Tous les faits politiques sont ensuite analysés en fonction de cette simple question. Ainsi, le journaliste Dominique Souchier a semblé ce matin sur Europe 1 obsédé par le fait que François Bayrou venait d'obtenir le titre dans la dernière vague du sondage, martelant Daniel Cohn-Bendit de questions à ce sujet, alors que celui-ci était venu parler d'enjeux européens en rapport avec les prochaines élections.

Personne ne semble se rendre compte du caractère particulièrement artificiel de cette notion de "meilleur opposant". Il est ainsi demandé à l'ensemble de l'échantillon de se prononcer sur une question qui ne se pose pas forcément. Qui se dit spontanément "ah celui-ci, il fut un très bon opposant au chef de l'Etat le mois passé" ? Cela ne se passe pas comme cela. En fait, lorsque la question est posée, le sondée essaye de se rappeler qui, ces derniers temps, a fait le plus de bruit dans son opposition à Nicolas Sarkozy. Cela favorise inévitablement ceux qui proposent les attaques les plus brutales et les moins subtiles, puisque ce sont celles qui forcément font le plus de vagues... sans qu'elles n'en soient pour autant convaincantes. Ce baromètre ne fait que distinguer la personnalité politique qui aura été la plus violente dans ses anathèmes, et les médias s'en servent néanmoins comme si c'était un mérite en soi de figurer en tête d'un tel sondage, et spéculent à volonté sur la dynamique dont bénéficierait cette personnalité.

Il n'est dès-lors pas étonnant de retrouver comme "distingués" par ces sondages ceux qui ont comme unique fond de commerce leur anti-sarkozysme résolu, comme Dominique de Villepin, Ségolène Royal, Olivier Besancenot ou François Bayrou. Mais les journalistes ne se posent pas de question quant à tel sondage, et cela ne les gêne pas que leurs "meilleurs opposants" ne soient que ceux qui s'opposent de façon bête et méchante, et non ceux qui proposent des solutions alternatives à celles du Président de la République.

C'est en fait le dernier avatar du goût prononcé des journalistes politiques pour la vision de l'élection présidentielle sous forme de courses de chevaux. Les baromètres mensuels sont anciens, mais au lieu de n'observer que la cote d'une personnalité, celle-ci n'est plus vue qu'en fonction de son hostilité à Nicolas Sarkozy. C'est encore pire qu'avant, et c'est une vision déplorable de la politique. C'est celle de journalistes particulièrement fainéant et ridicules.