La volonté exprimée par Nicolas Sarkozy de lancer un grand emprunt auprès des particuliers peut laisser circonspect. Le principal problème est certainement que l'on ne sache pas encore à quoi il servira. Le discours tenu est donc de dire 'l'Etat va demander de l'argent, va payer des intérêts pour l'avoir, et l'utilisera ensuite d'une quelconque façon qui reste à déterminer". Du coup, tous les lobbys possibles voient dans ces futurs fonds une manne inespérée pour leurs propres affaires. On entend beaucoup, par exemple, l'industrie du numérique, qui souhaite se faire financer à bon compte les investissements qu'elle devrait elle-même réaliser. Ce n'est pas une attitude responsable de la part de l'Etat. On se retrouve comme à l'époque de la "cagnotte fiscale", quand les impôts collectés étaient supérieurs à ceux anticipés et qu'il fallait déterminer comment utiliser ce surplus. Sauf que la France n'est pas particulièrement dans une situation où elle a de l'argent en trop à dépenser. Bien au contraire. Avec un déficit public aux alentours des 8,5 % du PIB, et un endettement qui croit déjà de façon colossale par l'effet même de la crise économique actuelle, cela fait déjà bien longtemps que l'Etat peut être considéré en faillite.

Si seulement cet argent était indispensable pour un emploi permettant de sauver la France, ce genre de grand emprunt pourrait être acceptable. Après tout, l'endettement est justifié quand il permet d'obtenir des gains supérieurs à l'argent ainsi dépensé. Mais ici, le principe de l'emprunt est adopté sans avoir aucune idée de son emploi. D'où un gigantesque concours d'idées pour savoir comment jeter de l'argent par les fenêtres, et augmenter encore plus l'endettement français.

Autant couper court le plus tôt possible à cette mauvaise plaisanterie. Le grand emprunt coûtera cher et n'est pas indispensable. Voilà donc l'attitude à avoir quant à ce grand emprunt : il ne faut pas le faire. Même en période de conjoncture difficile, il doit y avoir des limites sur l'ouverture du robinet de l'argent public. Et il y a évidemment des projets importants qui nécessitent des investissements, comme l'enseignement supérieur ou les infrastructures de transport en commun. Seulement, la logique demande que les plans à réaliser soient prêts avant d'en réclamer l'argent. Et si ce grand emprunt doit avoir un taux d'intérêt élevé pour attirer les petits épargnants, le risque est de détourner de l'argent destiné à la consommation, ce qui est l'effet inverse des buts affichés des politiques de relance par la demande. Le grand emprunt est donc une mauvaise idée, et une bonne serait de l'oublier.