A la base, on n'a pas envie de défendre Jean-François Copé. Ses dernières déclarations d'hier soir ne valent pas grand chose : nostalgique de la mobilisation pour l'école libre contre Pierre Mauroy en 1984, il souhaite faire appel à la rue pour s'opposer à la politique du gouvernement socialiste. Cela amène deux commentaires. Le premier, c'est qu'il s'agit évidemment d'une prise de position tactique, conçue dans le cadre de sa campagne pour devenir président de l'UMP. Comme d'habitude, il ne croit pas vraiment ce qu'il dit, et ce serait bien étonnant qu'il croit subitement au rôle important des manifestations comme moyen de gérer un pays. Le deuxième, c'est que la manifestation ne fait pas vraiment partie des outils traditionnels de la droite. Car de ce côté là, l'opinion majoritaire est que ce sont les élections qui déterminent la légitimité du pouvoir, et ce sont le gouvernement et le Parlement qui prennent les décisions dans le cadre de la séparation des pouvoirs. Après, chacun a le droit de s'exprimer et de manifester en démocratie. Seulement, il faut bien comprendre que le manifestant ne représente que lui-même, et qu'une manifestation, même de deux millions de personnes, ne parle pas pour un pays entier.

Une déclaration sans intérêt donc. Mais voilà qu'un phénomène presque incompréhensible se produit : les éminences socialistes semblent la prendre au sérieux, lui donne un écho médiatique bien plus important, et surtout, en réaction, commencent à dire que manifester contre la politique du gouvernement c'est appeler au chaos. Harlem Désir, premier secrétaire du PS délégué par l'Elysée aux indignations surjouées, parle ainsi d'"une surenchère dangereuse, irresponsable et indigne d'un républicain", qualifiant la proposition d'"agressive". Ministres et parlementaires socialistes sont sur la même ligne. Bruno Le Roux parle de tentative de "radicaliser la société", le ministre Jérôme Cahuzac parle d'appel au "désordre", Jean-Christophe Cambadélis parle de "guerre civile", David Assouline pense que "la rue contre la volonté populaire, c'est du jamais vu", et ainsi de suite...


Harlem Désir et François Hollande


Jean-Marc Ayrault, Ségolène Royal, Harlem Désir, Martine Aubry et Benoît Hamon


Jean-Paul Huchon, Jean-Christophe Cambadélis, Claude Bartelone et Harlem Désir


Martine Aubry, David Assouline, Claude Bartelone, Michel Berson et Benoît Hamon

Voilà qui est plus que surprenant, c'est totalement hallucinant. Quelle amnésie de la part de socialistes tout d'un coup ! Eux qui manifestaient tous les quatre matins pendant dix ans, précisément contre les politiques de gouvernements tenant leur légitimité du suffrage populaire ! Comment peuvent-ils croire qu'on a oublié cette habitude qui était la leur ? La manifestation contre le gouvernement, cela toujours été leur fond de commerce, et voilà qu'ils considèrent que c'est un dangereux acte de guerre civile ? Avec toutes les manifestations qu'ils ont faites, ils pourraient s'accuser eux-mêmes de haute trahison si l'on part dans cette logique... Le PS semble en roue libre, et en s'offusquant de façon disproportionnée à la suggestion de Jean-François Copé, ne fait que contribuer à lui faire de la pub. Mais il n'y a que ça : cette subite amnésie, et cette remise en cause si marquée de leurs propres méthodes les décrédibilisent également. Ce ne serait pas si grave, s'ils n'étaient pas aux responsabilités.


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