Même en étant favorable au mariage homosexuel, on peut regretter la tournure que prend le "débat" sur cette question. Les opposants au mariage gay, à la base inspirés par des valeurs religieuses chrétiennes, mettent en avant le bien de l'enfant en cas d'adoption. Cela montre déjà que l'interrogation porte moins sur le mariage que l'homoparentalité. Du côté des partisans les plus vocaux du mariage homosexuel, la réaction est tout simplement de traiter les opposants d'homophobes, voire d'appeler au meurtre dans les cas les plus extrêmes. Difficile, dès lors, de se croire champion de la tolérance.

Mais il n'y a pas que les chrétiens qui soient défavorables au mariage homosexuel. L'UOIF (Union des Organisations Islamiques de France) a ainsi pris position contre en utilisant un raisonnement par l'absurde : "Qui pourra délégitimer la zoophilie, la polyandrie, au nom du sacro-saint amour ?" La référence à la polyandrie (le fait pour une femme d'avoir plusieurs époux simultanément) est surprenante, mais également un peu savoureuse. Dans ce texte, l'UOIF met en avant la menace de la polyandrie, mais ne cite absolument pas l'autre forme bien plus courante de polygamie, la polygynie, où un homme a plusieurs épouses en même temps. Et pour cause, puisqu'elle est autorisée dans les textes islamiques. Evidemment, l'UOIF ne défend pas la polygynie, incompatible avec la culture française. Mais craindre la polygamie féminine en oubliant la masculine, souvent reprochée à l'Islam, fait sourire, et semble montrer deux poids deux mesures sur la polygamie si elle concerne l'homme ou la femme.

La référence à la zoophilie est elle bien plus classique. On la retrouve fréquemment dans les discours des opposants, et a le don de rendre furieux les homosexuels, qui trouvent naturellement insultant d'être comparés à des zoophiles. A la base, cette comparaison est assez facile, puisqu'il s'agit de mettre en relation deux formes d'attirances sexuelles qui ne peuvent engendrer de naissances, et donc perçues comme non naturelles. Mais la zoophilie est bien sûr un épouvantail, un comportement unanimement considéré comme repoussant, sans même parler des questions de consentement.

L'argument de la pente glissante est utilisé quotidiennement sur tous les sujets, généraliser un raisonnement étant vu comme un moyen de l'invalider la plupart du temps. La plupart du temps, la réponse est plutôt simple : il suffit de ne pas généraliser ce raisonnement, et de s'en tenir à la position défendue sans vouloir l'étendre. Dès lors, pourquoi le gouvernement a-t-il commencé à parler de "mariage pour tous", provoquant lui même cette généralisation du raisonnement ? Le terme "mariage homosexuel" suffisait déjà et était extrêmement clair, le gouvernement n'assume-t-il plus la référence à l'homosexualité ? On dit que François Hollande est mal à l'aise sur la question, ce que sa brève volonté de laisser un droit de réserve aux maires semble montrer. Mais après tout, le mariage pour tous est pour qui si ce n'est pour les homosexuels ?

C'est assez troublant de voir que la gauche, au moment d'accomplir une ancienne revendication, semble se cacher derrière des artifices lexicaux et n'assume plus les évolutions qu'elle prône. C'est pourtant une réforme bien plus facile à faire que celles économiques que l'on retarde éternellement. On pourrait donc s'attendre à une défense bien plus vaillante du mariage homosexuel que ce que l'on voit actuellement. Mais la gêne est aussi étrange que perceptible. Il est vrai qu'à l'époque du PACS, les députés socialistes avaient déjà du se faire tirer l'oreille pour apparaître en séance pour voter la mesure...