Quinze jours après l'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal semble à la peine. Alors que le candidat de la droite enchaîne les déclarations sur sa volonté de restaurer la valeur travail, notamment en défiscalisant les heures supplémentaires, la candidate socialiste se traîne dans les discours vagues sur l'ordre juste, et essaie de justifier l'absence de propositions par la procédure du débat participatif, où ses sympathisants parlent entre eux et pourront éventuellement donner l'impression que le futur projet de la candidate sera l'émanation des Français. En attendant, pour meubler le temps, les responsables socialistes ont décidé de miser sur le plus grand atout de la candidate : sa capacité à se faire passer pour une victime.

C'était déjà la stratégie qu'elle avait employée lors de la campagne interne au Parti Socialiste pour l'investiture : le but était alors de faire passer ses rivaux Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn pour des machistes répugnants à ce qu'une femme puisse être à leur place. Le problème n'était pas que c'était une femme, c'était que ce soit cette femme-là. Emportée par les sondages et sa stratégie du miroir, elle parvint à avoir cette investiture. Contre la droite, il s'agit de recréer cette illusion. Et tout est bon pour faire croire qu'on en veut à la pauvre Ségolène Royal par de viles méthodes inavouables. Cela a commencé par l'histoire de ses impôts. Le fait qu'elle et François Hollande aient créé la société La Sapinière pour la possession de leur patrimoine se savait depuis des mois, mais elle décida d'en faire un événement en se déclarant "harcelée" par un coup tordu venu des "proches de Nicolas Sarkozy", rien de moins, où se trouverait une accusation de chercher à contourner l'impôt sur la fortune. Puis ce fut le tour des piteuses histoires de Renseignement Généraux, où le fait qu'un membre de son équipe de campagne ait une fiche à son nom dans cet organisme (du fait qu'il provient de Greenpeace, organisation commettant des actes parfois délictueux) a été transformé en une tentative de salir la campagne de la candidate par les moyens obscurs de l'Etat. Le but avoué étant d'accuser Nicolas Sarkozy de mauvais coups, de lui demander sa démission au motif que son maintien "entraîne des suspicions" (surtout de la part du Parti Socialiste, qui voit un intérêt à créer de telles suspicions) alors que plus ses adversaires la lui demanderont, moins il y aura de chances qu'ils l'obtiennent. Mais Ségolène Royal serait également victime des attaques verbales de la droite, qui n'aurait pas le droit de critiquer les innombrables fautes qui émaillent les propos de la candidate, car ce serait un crime de lèse-majesté. Bref, si vous ne faites pas partie des adorateurs de Ségolène Royal, c'est que vous êtes l'un de ses persécuteurs.

Le plus intéressant est la façon dont sont mises les accusations de coup bas sur la place publique. Lorsque la droite critique Ségolène Royal, elle le fait sur la base de ses déclarations dont chacun peut retrouver la source. Lorsque la gauche critique Nicolas Sarkozy, elle le fait en prenant appui sur des éléments non prouvés, des sources anonymes que l'on nous demande de croire car cela collerait bien avec le personnage fantasmé qui a été fait du ministre de l'Intérieur. Ces éléments resteraient bien du niveau des vagues rumeurs imprimées par des journalistes peu regardants si le Parti Socialiste n'avait pas décidé de tout miser sur ses accusations, en hurlant au crime sans que rien ne montre une quelconque forme de concrétisation de ces supposés mouvements. Il n'y a nul besoin de coups bas pour attaquer Ségolène Royal, son propre discours suffit à l'affaiblir. Par contre le Parti Socialiste est obligé de faire feu de n'importe quelle supposition improuvée pour tenter d'exister et d'attaquer Nicolas Sarkozy, ce qui laisse une impression étrange. Dans tout cela, la véritable victime n'est pas celle qui essaie de se faire passer pour telle.