Au cours du voyage de Nicolas Sarkozy à Londres, celui-ci a pu faire le voeu que le Royaume-Uni devienne un partenaire de la France à l'égal de l'Allemagne dans la conduite des affaires européennes. L'idée n'est pas nouvelle, en son temps, le chancelier allemand Gerahrd Schröder avait lui aussi préconisé une Union Européenne à trois têtes, pour dépasser le traditionnel moteur franco-allemand. Mais si le Royaume-Uni apprécie généralement ces marques d'attention, la traduction des intentions à la réalité est souvent source de déceptions pour les continentaux. C'est que Londres reste en dépit de tout réticente à toute politique multi-latérale, n'assumant ainsi pas son rôle au sein de l'Europe.

Lorsqu'il était Président de la République, le Général de Gaulle avait toujours refusé l'entrée du Royaume-Uni dans l'Union Européenne. Le véto français ne fut levé qu'en 1972, à la suite d'un référendum où les électeurs français s'exprimèrent sur l'entrée du Royaume-Uni, du Danemark, de la Norvège et de l'Irlande dans la CEE. On pourrait s'étonner de l'hostilité envers la Grande-Bretagne montrée par le Général de Gaulle. Après tout, celle-ci l'accueilla en 1940, lui donna les moyens de créer un gouvernement et une armée d'exil, ce qui lui permettra d'affirmer que la France continuait le combat, en dépit de la défaite sur son propre territoire. Mais il avait surtout eu des relations exécrables avec les Etats-Unis, dont le Président, Franklin Delano Roosevelt, le voyait comme une gène au milieu de la guerre mondiale. Mais l'alliance qui unissa la Grande Bretagne et les Etats Unis pendant la guerre fonctionna très bien, et cette collaboration fructueuse permit l'affermissement de liens déjà forts, pour cause de liens historiques et de culture semblable.

Et même en étant rentrée dans l'Union Européenne, le Royaume-Uni a du mal à s'intégrer vraiment dans ce projet pan-européen. Elle se voit encore en grande puissance, et si ses colonies ont pris leur indépendance, elle rêve encore aux pays de la couronne britannique du Commonwealth, et croit voir les signes de sa puissance en apparaissant comme le bras droit de son ancienne colonie devenue première puissance mondiale, les Etats Unis. Et d'une certaine façon, ce que craignait le Général de Gaulle s'est produit. Six ans après l'entrée du pays dans l'Union Européenne, Margaret Thatcher devenait Premier ministre. Par son hostilité envers la construction européenne et son amour pour les Etats Unis, elle a mené une politique montrant que le Royaume Uni était de fait le cheval de Troie américain en Europe. Encore aujourd'hui, cela reste la base de la politique britannique. L'opinion, outre-manche, reste largement eurosceptique. Les plus euro-enthousiastes des Britanniques se révèlent être parmi les plus eurosceptiques des chefs d'États européens. Dans l'idée britannique, l'Union Européenne doit être une zone de libre échange, où l'organisation d'une concurrence toujours plus forte doit permettre la prospérité pour tous. Dans ce cadre, nulle place pour la concertation des politiques des différents pays, le Royaume Uni veille à rester d'autant plus indépendante de l'Europe qu'elle est complètement soumise aux Etats-Unis.

Au bout du compte, était-ce une bonne chose que le oui l'emporte au référendum de 1972 ? Géographiquement, le Royaume-Uni est bien en Europe, elle pouvait donc prétendre sans contestation adhérer à l'Union Européenne. Mais ce faisant, elle en a largement amoindri la dimension politique. Aujourd'hui, le départ du Royaume-Uni de l'Union Européenne est difficile concevable. Alors qu'il pourrait être l'un des moteurs de l'Union Européenne, le Royaume-Uni se révèle être un boulet à trainer pour le reste de l'Europe au niveau des avancées politiques. Il a évidemment le droit de mener une politique qu'elle croit être le signe de son indépendance, alors qu'elle ne fait que reproduire ce qu'il se passe en Amérique. Mais le pays rate actuellement ce qui pourrait être sa vocation, et nuit ce faisant à ces voisins européens. Il n'est pas nécessaire qu'il coupe les ponts avec les Etats-Unis, mais le Royaume-Uni doit tout simplement procéder à un rééquilibrage dans ses amitiés.