Augustin Legrand, dirigeant de l'association "Les Enfants de Don Quichotte", est revenu d'Amérique du Sud pour constater que son idée de sédentarisation des SDF dans des tentes au canal Saint-Martin prenait une tournure amère. Loin de se demander quel avait été son rôle dans tout ça, il a préféré demander la démission de la ministre déléguée à la Cohésion Sociale, Catherine Vautrin. Il a aussi demandé un plan Marshall pour les SDF. En cela, il se montre un idéaliste, ce dont il ne se cache probablement pas. Ce n'est pas le seul à citer le plan Marshall comme exemple de ce qu'il doit être fait pour résoudre de grands problèmes. Ainsi, Bono et Bill Gates avaient également demandé un plan Marshall pour le sous-développement. Après les émeutes de novembre 2005, des voix s'étaient également faites entendre pour plaider en faveur d'un grand plan Marshall pour les banlieues. En fin de compte, il faudrait un plan Marshall par difficulté à traiter. L'intention est certes louable, mais l'exécution est délicate.

Il faut dire que le plan Marshall d'origine reste dans l'Histoire un cas brillant d'aide financière extérieure réussie. Le général George Marshall, après avoir commandé les armées américains pendant la seconde guerre mondiale, est devenu Secrétaire d'Etat de Harry Truman. Il a annoncé la décision des Etats-Unis de se lancer dans un vaste plan de reconstruction de l'Europe en juin 1947, dans un discours à l'université de Harvard. Le plan, constitué de prêts qui ont été ensuite convertis en grande partie en dons, a effectivement permis aux pays européens non dominés par les Soviétiques de remettre en état leurs infrastructures, et ainsi de relancer l'économie de leurs pays. Ces pays ont ainsi pu se relever durablement des méandres de la guerre, donnant aux Etats-Unis des alliés fidèles dans la lutte contre le communisme, et procurant accessoirement au général Marshall le Prix Nobel de la Paix. Le plan a certes été couteux, mais l'intérêt qu'a constitué le relèvement de l'Europe ne faisait aucun de doute pour les Etats-Unis, et sa pertinence est validée par le cours des événements 50 ans après.

Pour autant, faut-il souhaiter le lancement d'autant de plans Marshall ? La situation économique des pays développés n'est pas la même que celle des Etats-Unis après guerre, qui avaient beaucoup bénéficié de l'effort de guerre pour retrouver une économie forte. Là bas, aujourd'hui, le déficit de l'administration est important, du fait des baisses d'impôts et de l'effort de la guerre en Irak, guerre qui ne connait pas l'issue positive de la deuxième guerre mondiale. Ici, en France, notre déficit budgétaire est déjà bien trop grand, et il y a un nombre incroyable de dossiers à traiter où les mots "plan Marshall" résonnent comme une solution facile. Or il n'est pas facile de faire pleuvoir de l'argent, surtout lorsque les missions de base de l'Etat ne sont pas financées couramment. Avant de dépenser les richesses, il faut d'abord les créer. Faut-il pour autant renoncer à tout espoir pour mieux se complaire dans l'immobilisme ? Certainement pas. A ce titre, on peut remarquer le travail important réalisé par Jean-Louis Borloo à son ministère de la Cohésion Sociale. Il n'y a pas que sur la baisse du chomage qu'il peut se féliciter, sa politique en faveur du logement est également digne d'intérêt. D'abord en tant que ministre de la Ville, puis à son poste actuelle, il a réussi à implementer un plan ambitieux de rénovation urbaine. Depuis 2002, la construction de logements a augmenté de 80 %, et la construction de logements sociaux a presque doublé depuis cinq ans. C'est un effort considérable, qui est appelé à durer. Et il faudra bien qu'il dure, car la situation reste difficile, malgré les progrès accomplis. Car cela faisait 20 ans que la construction de logements était insuffisante, ce qui avait mal été pris en compte par tous les gouvernements, qui ne voyaient pas les changements sociaux. C'est donc un retard colossal qu'il faut refaire, et c'est ce genre de travail qu'il faut mener, progressivement, sur le long terme. Le plan de rénovation urbaine pourrait éventuellement s'appeler un plan Marshall, il s'appelle en tous cas "plan Borloo", et vu ses effets, l'effort franc et enthousiaste est dans la même lignée.