Au lendemain du 11 septembre 2001, les relations diplomatiques entre la Russie et les Etats-Unis étaient excellentes. Les deux pays s'étaient mis d'accord sur le front de la lutte contre le terrorisme : en Tchétchénie pour la Russie, en Afghanistan pour les Etats-Unis. C'était l'époque où Vladimir Poutine était l'invité de George Bush dans son ranch texan de Crawford, chacun laissant l'autre faire sa guerre personnelle. Aujourd'hui, des tensions apparaissent, comme on peut le voir actuellement avec l'installation d'anti-missiles américains dans des pays de l'Europe de l'Est. Un bon nombre de pays de l'ancien bloc soviétique ont en effet intégré l'OTAN, et font donc partie de la zone d'influence des Etats-Unis. Ces derniers ont donc voulu profiter de cet avantage stratégique pour y installer des rampes de lancement d'anti-missiles, afin de contrer les menaces des "Etats voyous" qui pourraient affecter leurs alliés. Mais la Russie voit dans ce mouvement une entorse aux accords de désarmement qui ont permis la détente entre les deux blocs. Ces anti-missiles sont donc vus comme hostiles pour la Russie, qui prévient les pays de l'Europe de l'est des dangers qu'il y aurait à rentrer dans un tel jeu. Mise à part que les systèmes de missiles américains sont désormais installés en Europe de l'est au lieu de la RFA, on se croirait revenu au temps de la guerre froide, où chaque bloc tenait en joue l'autre par ses missiles, quitte à signer des traités de désarmements de temps en temps pour apaiser les tensions.

Les Etats-Unis se défendent d'avoir des intentions belliqueuses envers la Russie : ces anti-missiles ne sont dirigés que vers les Etats-voyous. On peut s'interroger sur un bon nombre des données du problème, pour commencer, cette installation veut-elle dire que la menace représentée par l'Iran et la Corée du Nord est d'ores et déjà si fortes qu'il faille s'en prémunir militairement d'un point de vue défensif ? Pourquoi la Russie s'offusque-t-elle de l'installations d'anti-missiles, qui en théorie, n'ont aucune utilité offensive par définition ? Au pire, cela voudrait-il dire qu'une attaque de la Russie sur l'Europe de l'est serait plus difficile, mais depuis quand une telle attaque relève du domaine du possible ? Les Américains essaient de rassurer les Russes en leur disant que de toutes façons, de tels anti-missiles ne sont pas adaptés pour répondre à une force telle que la leur. Mais il y a-t-il encore des anti-missiles prêts à répondre à une très hypothétique menace russe, alors que ceux-ci grognent lorsqu'ils voient les Etats-Unis investir leur zone d'influcence réservée, et rétablir leur puissance stratégique par le contrôle de ressources pétrolières et gazières ?

Le coeur de la question se trouve en fait dans le rôle qu'entend jouer la Russie. Vladimir Poutine s'est imposé facilement à la tête de l'Etat russe, et a depuis appliqué sans état d'âme une politique de rétablissement de l'autorité de l'Etat à l'intérieur, et de reconquête de puissance à l'extérieur. Dans ce cadre, les pays de l'Europe de l'est sont toujours vus comme des sujets à la rebellion inopportune, qui auraient profité d'un instant de faiblesse pour tenter de s'enfuir de l'influence russe. Vladimir Poutine est certes un ancien du KGB, mais ce qu'il servait à l'époque, comme ce qu'il sert maintenant, c'est la puissance de la Russie, indépendemment de la nature communiste ou non du régime. On s'aperçoit en fait que l'internationale communiste n'était du temps du soviétisme qu'une excuse visant à accroitre la puissance russe. Dans ce sens, le communisme n'a été qu'une apparence d'une sorte de constance russe, qui consiste à avoir un pouvoir central très fort à l'intérieur, et à vouloir peser fortemement de sa puissance à l'extérieur. Le traité de Yalta n'a été qu'une façon de contrôler l'Europe de l'est, comme d'autres guerres l'avaient permis aux siècles précédents. Et c'est bien pour cela que des pays comme la Pologne comptent sur les Etats-Unis pour leur permettre d'échapper à la tentation russe de remettre une main ferme sur le pays. D'où la colère de Vladimir Poutine à l'idée que l'on puisse chercher à écarter ces pays de l'influence russe. Surtout de la part des Etats-Unis, l'ancien ennemi qui était censé être l'égal autrefois, et qui apparaissent dès lors à nouveau dans le rôle de principal opposant. Et c'est bien cela qui donne à de telles affaires des relents de guerre froide.