Dans son discours de Strasbourg du 21 février dernier, Nicolas Sarkozy a évoqué des pistes d'évolution pour l'Union Européenne. Il souhaite en faire un instrument qui sert ses citoyens, en permettant de lutter contre certains des déséquilibres apportés par la mondialisation. Dans ce cadre, il a évoqué la notion de préférence communautaire en matière de biens et de produits agricoles. Le but serait de faire en sorte que se maintienne une industrie et une agriculture dans les pays développés, alors que celles-ci sont frappées par une forte concurrence de la part de pays aux coûts de main d'oeuvre moins élevés. Mais il faut avouer qu'un tel procédé relève du protectionnisme.

Un rapport d'information sur la préférence communautaire en Europe a été écrit par la délégation pour l'Union Européenne du Sénat fin 2005. On y apprend que la préférence communautaire est un débat qui a toujours imprégné la construction européenne, depuis les négociations sur le Traité de Rome. Si les institutions la favorisent dans les faits, elle n'est pas une règle de droit européen. Surtout, la mise en place de l'OMC exclue la possibilité de variations des tarifs douaniers pour rééquilibrer les distorsions de concurrence, et les négociations en cours visent à réduire toujours plus les protections douanières. Mais ces négociations prennent bien peu en compte les critères qualitatifs. Or c'est bien là que le bat blesse : pour produire en Europe, des normes sociales ou environnementales exigeantes sont demandées. Rien de tel dans les pays à faibles coûts de main d'oeuvre, les conditions de travail y étant parfois déplorables, et les critères écologiques jamais abordés. Pourtant, lorsque l'environnement de ces pays est dégradé, c'est la planète de tout le monde qui est touché. A quoi bon s'astreindre à des sacrifices pour respecter le protocole de Kyoto, lorsqu'un pays comme la Chine voit ses émissions de CO2 augmenter à un rythme très élevé ? Pour des pays en voie de développement, de telles normes peuvent paraitre éloignées de leurs préoccupation, alors que l'accroissement des richesses est la première des priorités, mais on ne peut plus se permettre d'endommager plus l'environnement qui nous est commun. En fait il serait préférable que de telles normes soient intégrées dès le début du développement économique, pour que la croissance puisse se faire sur de bonnes bases.

Alors demander que les produits rentrant dans l'Union Européenne répondent aux mêmes normes sociales et environnementales que ceux qui y sont produits relève bien du protectionnisme, et l'OMC n'apprécie guère la notion même de norme. Mais son pouvoir doit être pondéré par celui d'autres institutions internationales, qui réclament elles de meilleures conditions de vie, et un effort accrue de protection de l'environnement. Alors on peut aussi voir la préférence communautaire dans la mise en place de politique d'industrialisation commune (dans des pôles de compétitivité européens), ou par la défense de la propriété intellectuelle de nos produits, mais la question de la mise en place de normes similaires à l'entrée que celles qui existent pour la production intérieure mérite d'être posée. En tout état de cause, ce n'est pas la politique forcémment libre échangiste à tous prix de l'OMC qui doit être la référence dans la définition de notre politique de commerce extérieure. Et si les négociations de l'OMC avancent si peu, c'est bien parce qu'en fin de compte, personne n'a vraiment intérêt à aller vers un degré supplémentaire de libre échange aveugle, qui oublie que la priorité n'est peut être pas l'augmentation des échanges internationaux.