Depuis le 1er juillet dernier, c'est au tour du Portugal de prendre la présidence de l'Union Européenne. Sa principale tâche fera de faire aboutir la conférence inter-gouvernementale sur le nouveau traité institutionnel de l'Union Européenne, dont les contours ont été fixés lors du sommet de Bruxelles en juin dernier. Alors que la situation politique intérieure de la Pologne est très agitée, arriver à un accord ne sera sans doute pas évident, vu que ce fût le pays qui avait posé le plus de problèmes au sommet de Bruxelles. Confronté à une surenchère nationaliste lors d'élections anticipées par une crise gouvernementale, les frères Kaczynski ne risquent pas de faciliter les choses, s'ils sont encore au pouvoir au moment où cette conférence se déroulera. Ce sera au Premier ministre portugais, José Socrates, d'avoir les talents de négociateur nécessaires pour que le traité soit correctement achevé. Ce socialiste est arrivé au pouvoir il y a deux ans de cela, dans un pays qui ne va pas bien économiquement. Alors que le reste de l'Europe dispose d'une économie robuste (la France mise à part évidemment, ainsi que l'Italie), le Portugal connaît des taux de croissance faible, inférieurs à 2 %. De plus, l'état de ses finances publiques le met en difficulté vis-à-vis du Traité de Maastricht, qu'il doit respecter en tant que pays utilisant l'euro comme monnaie nationale.

Face à l'obésité de l'administration publique, José Socrates a eu le courage de prendre les problèmes à bras le corps. Par d'importantes réformes administratives, il diminue le poids de la bureaucratie dans le Portugal, favorise une nouvelle stratégie économique basée sur l'innovation, lutte contre la fraude fiscale et combat le surnombre d'employés du public. Pour améliorer la gestion des administrations publiques, le gouvernement portugais vient ainsi de décider la contractualisation de 80 % des employés des services publics. Seuls les corps régaliens de l'Etat (police, armée, justice, diplomatie) auront désormais vocation à employer des fonctionnaires, le reste pouvant très bien travailler avec du personnel dont les contrats de travail seraient similaires aux employés du privé, alors que les administrations resteront publiques. Ce changement promet une meilleure efficacité de la gestion des ressources humaines dans les services publics portugais, et probablement une meilleure équité entre travailleurs du privé et du public. Cette meilleure efficacité sera bien sûr amenée à se traduire dans une amélioration des comptes de la nation, dont tous profiteront, par exemple par de moindres ponctions fiscales, ou une meilleure qualité de services publics.

Cette réforme, pourtant ambitieuse, ne semble pas mettre le Portugal à feu et à sang. Et c'est bien un gouvernement socialiste qui la met en oeuvre. En France, une telle contractualisation massive de fonctionnaires est un tabou absolu. La peur des syndicats du secteur public, attachés au maintien de leurs privilèges, reste d'autant plus présente qu'ils gardent une capacité de nuisance impressionnante sur le reste de la population. Il n'y a pourtant pas vraiment d'argument qui s'oppose à la contractualisation, si tout du moins l'on s'attache principalement à la défense de l'intérêt général. Alors que le Portugale connaît des difficultés économiques, il a le courage de faire des réformes importantes du secteur public pour améliorer la situation. La France connaît une faiblesse économique semblable. Aux mêmes causes, mêmes conséquences. Mais elle aurait bien besoin de courage elle aussi.

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