En 2000, George Bush avait réussi à se fabriquer une image de grand favori lors des primaires républicaines devant désigner le candidat à la présidence. En étant fils d'un président précédent et au poste en vue du gouverneur du Texas, il avait pu se constituer facilement une certaine notoriété. Même en Europe, il était devenu célèbre par son refus de gracier les condamnés à mort du Texas, laissant craindre qu'il puisse être un président américain particulièrement conservateur. Pourtant, lors des primaires, un autre candidat arriva à se faire suffisamment remarquer pour devenir l'outsider le plus important dans cette course. A 63 ans, John McCain était arrivé à se définir comme un homme d'Etat, un sénateur expérimenté, un ancien de la guerre du Vietnam, défendant des positions plus pragmatiques et iconoclastes au sein du parti républicain. Même si John McCain gagna la primaire du New Hampshire, cela ne suffit pas, et le reste des primaires permit à George Bush de devenir l'adversaire d'Al Gore. Défait, John McCain s'installa alors comme le futur favori des républicains pour l'élection présidentielle de 2008.

Il a aujourd'hui 71 ans, ce qui le fait plus âgé que Ronald Reagan lorsque celui arriva à la Maison Blanche en 1980. Comme il l'avait prévu depuis longtemps, il s'est lancé à nouveau dans la course des primaires en janvier dernier. Mais très rapidement, le statut de favori sur lequel il comptait tant lui a échappé, en étant dépassé dans les sondages par Rudolph Giuliani. Et désormais, il semble malmené par Mitt Romney et Fred Thompson, ce dernier n'étant même pas un candidat déclaré. Enfin et surtout, les résultats des levées de fonds sont désastreux, montrant une absence de soutien populaire envers le sénateur de l'Arizona. En conséquence, le comité de campagne de John McCain dépensait davantage que ceux qu'il récoltait, alors que la campagne était encore dans une période préliminaire. Et s'il reste encore quatre mois avant que les électeurs républicains ne s'expriment lors des primaires, John McCain apparaît dès aujourd'hui comme un candidat sur la fin, ne bénéficiant d'aucune dynamique, peu à même d'incarner l'avenir.

Car, outre le reproche qui lui est adressé sur son âge, John McCain souffre justement de cette image de candidat institutionnel qu'il s'est forgé ces huit dernières années, et qui avait fait la force de George Bush en son temps. En soutenant avec force la guerre en Irak, il apparaît entaché par la dégradation toujours plus prononcée de la situation militaire dans ce pays. Les Américains n'en peuvent plus de ce conflit dont ils ne comprennent plus les raisons, et John McCain ne semble pas être celui qui sortira les Etats-Unis de ce bourbier, alors qu'il a tellement soutenu l'envoi de renforts. Bien sûr, il a condamné l'usage de la torture et les mauvaises décisions de Donald Rumsfeld. Mais cela ne suffit pas pour incarner une nouvelle direction, surtout lorsque les électeurs demandent à ce que cette nouvelle direction soit le retrait. De plus, en voulant être le favori, John McCain a voulu donner des gages à la frange conservatrice des républicains, ce qui a fâché ceux qui appréciaient son côté iconoclaste. Et en défendant avec vigueur une loi sur l'immigration basée sur une grande amnistie, en duo avec le sénateur démocrate Ted Kennedy, il s'est aliéné bon nombre de conservateurs également. Au final, lorsque le camp républicain est en plein désarroi, John McCain semble être l'une des cibles des mécontents. En même temps, Barack Obama bâtit son succès sur sa fraîcheur, son originalité et son refus de la guerre en Irak, qu'il avait pu exprimer à l'époque d'autant plus facilement qu'il n'était qu'un élu du sénat de l'Illinois... Alors que les échéances se rapprochent, la défaite se rapproche inexorablement pour John McCain, malgré ses efforts pour maintenir une stature de présidentiable pendant tant d'années.