Aujourd'hui, le journaliste Jean-Yves Guérin était interrogé sur Europe 1 pour la sortie de son livre "Noirs en bleu". Si le titre permet un jeu de mot, le sous-titre "Le football est-il raciste" explicite grandement le contenu de l'ouvrage, puisque si celui-ci répondait par la négative à la question, celle-ci ne se serait pas posée de cette façon. Et voilà donc le football accusé d'être raciste, les grands mots sont facilement sortis. Dans son entretien radiophonique, l'auteur avoue qu'avec sept noirs sur onze joueurs le soir de la finale de l'équipe de France, "tout va bien", c'est une réussite. Par contre, du côté des entraineurs et des dirigeants, il manquerait encore des représentants des minorités visibles. Sans le dire, le milieu du football ne ferait pas de place en dehors de terrains aux joueurs noirs. La preuve, assène l'auteur, Bernard Lama, ancien grand joueur du PSG et champion du monde en 1998, ne trouverait pas de club à entraîner alors que Didier Deschamps et Laurent Blanc sont devenus des entraîneurs emblématiques. Mais qu'à cela ne tienne, Frédéric Thiriez, président de la Ligue de Football Professionnelle, est partisan de la discrimination positive pour qu'il y ait plus d'entraîneurs issus des minorités visibles.

Un tel livre est surprenant. Le raisonnement est même complètement ahurissant. N'importe qui regardant n'importe quel match de football professionnel pourra constater de ses yeux que les minorités visibles sont très bien représentées dans le football, et qu'aucune équipe n'a de problème à travailler avec des joueurs de n'importe quelle couleur. Certaines personnes se sont mêmes émues que l'équipe de France de football n'était plus représentative de la société française, la minorité visible y étant devenue blanche. Les hooligans vraiment racistes sont bien obligés de soutenir des joueurs provenant de n'importe quel horizon, à moins d'être amenés à quitter les stades. La tendance est somme toute récente : si en France, de nombreux joueurs ont souvent eu des origines immigrées, ce n'est qu'au cours des dix dernières années que les minorités visibles sont devenues aussi prépondérantes dans les équipes de football. La génération active actuellement n'a pas encore passé de brevets d'entraineurs.

Le fait qu'il n'y a pas de mauvaise représentation, et donc aucune preuve de discrimination. L'auteur avance qu'il n'y a actuellement qu'un seul président de club et un seul entraîneur noirs en Ligue 1. Un seul pour chacune de ces fonctions ? Mais étant donné qu'il y a vingt clubs en Ligue 1, cela fait 5 %. C'est déjà plus que la proportion de noirs dans la population française, qui, d'après une étude réalisée par Tns-Sofres commandée par le CRAN, est de 4 %. Voilà un élément qui a tendance à être oublié, pour de nombreuses personnes, les minorités visibles seraient sous-représentées dans de nombreux compartiments de la société, alors que souvent, c'est l'importance quantitative de ces minorité visibles qui est sur-estimée dans les esprits de ceux qui font ce genre de reproche. Faut-il alors nécessairement qu'il y ait 7/11ème des postes qui soit occupé par des minorités visibles dans tel ou tel métier pour qu'enfin, on se satisfasse de la représentativité ainsi réalisée, et que l'on considère que la situation n'est plus une preuve de racisme ? A force de chasser le racisme de façon obsessionnelle, les tenants de ce combat finissent par le voir partout, sans commune mesure avec la réalité.

Et pour en revenir à Bernard Lama, celui-ci a certes été un grand joueur, mais pas du calibre que Didier Deschamps ou Laurent Blanc. Quand Bernard Lama n'a pas disputé une seule minute de la coupe du monde qu'il a remporté, les deux autres étaient respectivement capitaine et vice-capitaine de l'équipe de France. Bernard Lama n'est pas victime de discrimination, mais vit seulement le quotidien des entraîneurs. André Boghossian et Lionel Charbonnier aussi ont été champions du monde avec les bleus en 1998 et n'entrainent pas de grands clubs. Laurent Blanc aussi a passé plusieurs années sans club avant d'entraîner les Girondins de Bordeaux. Bernard Lama n'est tout simplement pas victime de discrimination.

Et d'ailleurs, il est curieux d'entendre l'auteur affirmer que la France est plus raciste que les autres pays d'Europe, alors que ceux-ci se démarquent par l'absence de joueurs provenant de minorités visibles dans leurs équipes nationales. Il n'y a pas que la France qui reçoive des flux d'immigrés, mais en Italie, en Allemagne, en Espagne ou en Italie, les équipes sont quasiment totalement blanches. L'auteur affirme que ce serait la preuve que ces pays font davantage de places aux minorités visibles dans le reste de la société, notamment dans les médias ou le monde économique. Mais de qui parle-t-on ? Les voisins de la France n'offre pas plus de place qu'elle aux minorités visibles dans le patronnat. La rhétorique déployée ici, c'est surtout de s'en prendre à bon compte à la France avec des accusations aussi violentes qu'injustifiées. Nul doute que cela assurera aux auteurs du livre de nombreux passages médias, mais ils font certainement plus partie du problème que de la solution.