L'échec du référendum irlandais portant sur le Traité de Lisbonne a porté un nouveau coup dur à la construction européenne. La participation a été très faible, l'abstention atteignant 47 %. En conséquence, seuls 109 964 suffrages ont fait la différence, et bloquent l'adoption d'institutions européennes plus efficaces. C'est bien peu, par rapport au 500 millions d'habitants de l'Union Européenne. Certains parmi les fédéralistes européens refusent ce blocage démocratique par une si petite minorité. Comme après les référendums français et néerlandais, ils préconisent l'utilisation d'un référendum pan-européen, qui poserait la même question le même jour à l'ensemble des électeurs de l'Union Européenne. Dans leur idée, cela éviterait qu'un pays bloque tous les autres, tout en faisant appel à la légitimité populaire. C'est aussi le raisonnement adopté dans le cadre d'éventuels référendums sur l'adhésion de nouveaux membres : la France n'aurait pas le droit de décider seule d'un possible refus de la Turquie par exemple, il faudrait que tous les citoyens européens s'expriment sur la question.

Mais cela veut dire qu'un pays qui ne serait majoritairement pas d'accord sur une décision fondamentale pourrait se la voir imposée. Cela n'a de sens que si le concept de nation n'est plus opérant, si la souveraineté s'exprime uniquement au niveau européen. La prise de décision au niveau européen peut très bien se concevoir pour les affaires dont le traitement est pertinent à ce niveau-là, et ces domaines doivent être acceptés au préalable par tous les pays. Mais pour cela, il faut que chaque pays ait auparavant donné son accord sur ce transfert de compétence. Ici, les partisans d'un référendum pan-européen souhaitent donc créer une Europe fédérale en s'appuyant sur une disposition qui présuppose déjà l'existence d'un fédéralisme très poussé. Ils s'illusionnent malheureusement en croyant que c'est possible. La construction européenne ne doit pas être forcée à ce point.

En plus, rien ne permet d'être vraiment sûr que les résultats de tels référendums pan-européens seraient conformes aux souhaits de ceux qui en préconisent l'utilisation. Les blocages seraient alors vraiment définitifs. Et il n'est pas dit qu'il soit possible d'organiser un référendum dans toute l'Europe, dans la mesure où le référendum n'est plus une pratique allemande depuis le IIIème Reich. Les partisans du référendum pan-européen sont donc sincères dans leur démarche, mais ils souhaitent voir arriver la construction européenne à son terme bien plus tôt que ce qui est possible. Ils oublient surtout que la démarche fédéraliste ne doit pas aller contre les nations qui composent l'Europe, elles forment le socle solide de ses différents pays et l'Histoire a prouvé les échecs de ceux qui ont cru pouvoir ignorer ce facteur. La construction européenne est un travail long et difficile, elle prendra encore des décennies avant d'arriver à sa forme finale, et même à ce moment là, elle devra respecter avec soin les différentes nations européennes. En conséquence, il ne peut être question d'un référendum pan-européen dans un avenir proche.