Dans les tribunes du Monde, il y en a une qui pour une fois vaut le détour : celle du producteur Vincent Maraval. Il profite de la polémique née du départ de Gérard Depardieu pour se poser la question de savoir si les salaires des stars françaises du cinéma sont mérités. Comme il utilise des arguments bien étayés, son propos est très pertinent, et amène à remettre en cause la situation présente. Un salaire peut être très élevé s'il rétribue un travail qui a permit de générer encore plus d'argent. Visiblement, ces derniers temps, les salaires de certaines stars sont si élevés que les films auxquelles ils participent peuvent ne pas être rentables, même lorsqu'ils rencontrent un succès normal en salle. Dans ce cas, c'est sûr, il y a un problème.

L'explication se trouve dans le fait que les films sont en grande partie financés par les subventions publiques et les obligations d'investissement des chaînes télévisées, les entrées en salle ne décidant plus du sort d'un film. Alors que le cinéma ne permet plus de fortes audiences à la télévision, les chaînes sont toujours obligées par les pouvoirs publics d'acheter en proportion de leurs revenus des films et de participer au financement de leur production. Cet argent se retrouve donc directement dans les poches de ces stars, qui monnayent leur célébrité plus que leur capacité à attirer vraiment des spectateurs ou des téléspectateurs.

Pendant ce temps, on va nous faire pleurer sur le sort de France Télévisions, et augmenter le montant de la redevance obligatoire de six euros car c'est trop dur de maîtriser les budgets. C'est promis, l'argent bénéficiera à "la création", c'est à dire le compte en banque des stars. Voilà encore un système vermoulu par les subventions et les réglementations excessives. Que la création cinématographique soit décidée en fonction de son succès ! Ou plus directement : laissons le marché décider ce qu'il a envie de voir. Pourquoi subventionner ou forcer le financement de films que personne ne veut voir, en salle ou à la télévision ? Si la présence d'une star suffit à faire d'un film un succès, pourquoi ne pas l'intéresser aux profits du film, plutôt que de fixer un salaire fixe éventuellement surdimensionné ?

Il en va du cinéma comme de tous les arts : le statut artistique ne doit pas être une excuse pour permettre des œuvres qui n'ont aucun public.