Pour les pays baltes, autrefois membres de l'Union Soviétique, le passage à l'ouest ne s'est pas fait facilement. Arrivés tous les trois dans l'Union Européenne en 2004, ils doivent faire face au regard vengeur de la Russie, qui ne leur pardonne pas de vouloir sortir de sa sphère d'influence. Comme pour le reste de l'Europe, ils sont dépendants vis-à-vis de la Russie en matière énergétique, et celle-ci n'oublie pas d'en jouer. Elle souhaite ainsi être maître d'oeuvre de la construction éventuelle de centrales atomiques chez ses voisins, et lors de soucis diplomatiques, "découvre" des problèmes techniques dans les gazoducs qui empêchent l'acheminement de l'énergie en provenance de chez elle. Mais avec la vision très nationaliste qu'a Vladimir Poutine des affaires étrangères, vivre à côté de la Russie devient une difficulté en soi, surtout lorsque l'Histoire s'en mèle. C'est ce que peut constater l'Estonie chaque jour. Après avoir été sous le joug soviétique pendant des décennies, celle-ci souhaite retrouver sa propre identité, et se considère comme étant davantage un pays nordique qu'un pays slave. La langue estonienne est ainsi proche de la finlandaise.

Pour entériner cette orientation, le gouvernement estonien a décidé lors de l'obtention de son indépendance de donner la nationalité estonienne à ceux qui pouvaient se réclamer d'un ancêtre estonien en 1940, ou bien à ceux qui pouvaient montrer la maîtrise de la langue estonienne et de l'histoire de ce pays. Hors pendant la guerre froide, l'URSS a envoyé de nombreux russes en Estonie pour contrôler le pays, un peu à la manière de colons. Les russophones peuvent ainsi représenter un quart de la population en Estonie, mais maintenant que le lien avec la Russie est coupé, ils ont l'obligation de s'intégrer. Certains d'entre eux n'ont pas satisfaits les obligations qui leur étaient demandés, et continuent de ne pas avoir de nationalité définie, n'ayant pas voulue retourner en Russie qui les auraient accueillis. Ils représentent tout de même 9 % de la population. Ces situations compliquées sont bien évidemment la conséquence de tensions historiques non résolues. La Russie proteste ainsi régulièrement contre la discrimination opérée dans les Etats baltes contre ses minorités. D'une manière générale, et comme on peut le voir avec l'example polonais, c'est l'ensemble de l'Europe de l'est qui essaie de sortir, parfois maladroitement, de l'emprise psychologique russe qui se veut toujours d'actualité.

Et c'est encore en Estonie que la situation est la plus tendue parmi les pays baltes. Lorsqu'en avril dernier, les autorités estoniennes ont décidé de déplacer (du centre de Tallinn vers un cimetière militaire) un mémorial de la seconde guerre mondiale formé d'une statue d'un soldat soviétique, la minorité russe de l'Estonie et par ricochet la Russie ont considéré que l'Estonie manquait de respect envers les soldats russes qui ont payé de leur vie pour libérer ce pays. Les nationalistes estoniens eux considéraient que la statue représentait la conquête de l'Estonie par la Russie. La controverse se transforma en émeutes violentes et en une crise diplomatique aigüe entre les deux voisins. Les médias d'Etat russes étaient ainsi prompts à qualifier le gouvernement estonien de régime presque fasciste dans la répression des émeutes des minorités russophones, ce qui n'a évidemment pas simplifié la situation des Estoniens habitant la Russie. Peut-être l'événement le plus inquiétant fût l'attaque informatique qu'ont alors subie les sites estoniens, sous forme de surcharge organisée de serveurs ou bien de hacking pur et simple, dont l'origine ne faisait peu de doute. Le petit pays fût alors coupé du reste du réseau mondial, laissant entrevoir l'ampleur que peut avoir une cyber-attaque dans un contexte de guerre.

La tension avec le voisin russe n'est évidemment pas la seule caractéristique des pays baltes. Ce sont notamment des économies qui font une utilisation intensive des nouvelles technologies informatiques, et qui connaissent une croissance extrèmement forte, entre 7 et 10 %. Ce sont des pays euro-enthousiastes, le Président lithuanien s'étant fait remarquer par son rôle de facilitateur lors du dernier sommet européen, et qui représentent la frontière orientale de l'Union Européenne. Seulement ils sont chacun de petite taille, et face à la taille colossale de la Russie, avoir un soutien franc de la part de leurs alliés européens serait souhaitable. Cela ne doit pas leur être refusé.