Après s'être sorti de l'emprise d'un communisme qui leur avait été imposé, les pays de l'Europe de l'est ont pour la plupart adopté des politiques économiques totalement à l'opposé de ce qu'ils avaient connu auparavant. Depuis une quinzaine d'années, il n'est plus question que de libéralisation là-bas, et lorsque cela a commencé par la privatisation d'un secteur public omniprésent, cela ne devait pas forcément se finir par une législation du travail très flexible, et une politique économique basée sur le laissez-faire. C'est pourtant le mouvement que ces pays ont accompli, pour arriver jusqu'à adopter le système de la flat taxe, c'est-à-dire le taux d'impôt unique sur tous les revenus, le même pour tous. La Slovaquie a été particulièrement remarquée en la mettant à 19 %, ce qui en fait un taux très bas. Mais elle connaît une très forte croissance, l'une des plus fortes de l'Union Européenne. De plus, conformément à la courbe de Laffer, les rentrées fiscales augmentent. Cela revient à dire que les rentrées fiscales sont plus fortes avec des taux d'imposition très faibles, puisqu'ils encouragent l'activité, que lorsque les taux d'imposition sont très forts. Ceux qui font la promotion de la flat tax mettent aussi en avant la simplicité du mécanisme, qui permettrait d'économiser des sommes colossales de calculs d'impôts chez les entreprises (et peut-être aussi chez les particuliers) et de recouvrements chez les gouvernements. Enfin, d'un point de vue éthique, il est possible d'argumenter que chaque effort doit être taxé de la même façon : après tout, si un gain supplémentaire est la conséquence d'un mérite supplémentaire, il ne doit pas être davantage découragé.

Mais d'un autre côté, ceux qui parlent de justice sociale restent attachés à la progressivité de l'impôt sur le revenu, et n'entendent pas revenir dessus. Le but n'est pas de taxer les plus modestes s'ils n'ont déjà pas suffisamment pour vivre de leurs propres revenus. Après tout, même les pays qui ont adopté la flat tax ont quand même un revenu plancher au dessous duquel le foyer n'est pas imposable. Mais la progressivité de l'impôt permet de taxer bien plus les foyers aux revenus les plus élevés. Le raisonnement est qu'à partir d'un certain niveau, on a assez pour vivre et même bien vivre. S'il faut donc prendre de l'argent à quelqu'un, autant le prendre là où il est, chez les riches qui n'ont pas besoin d'autant d'argent. La progressivité est compréhensible, même s'il est contre productif de taxer trop fortement les hauts revenus.

Le véritable problème de ces mises en place de flat tax dans ces pays qui restent tout de même plus pauvres que ceux d'Europe de l'ouest est que les taux adoptés sont vraiment faibles, alors que les États restent abreuvés d'aides communautaires. En faisant reposer la charge de l'impôt en partie sur les pays riches de l'Europe, les pays de l'est peuvent avoir une politique économique agressive en matière de compétitivité. Ils sont alors la cibles d'accusation de dumping, en ayant des coûts du travail inférieurs et en évitant de répercuter sur l'économie les besoins financiers des gouvernements, grâce aux subventions européennes. Et il est manifeste que l'entrée dans l'Union Européenne a été un succès économique pour les pays comme la Slovaquie. Evidemment, lorsque la Slovaquie se sera rapproché du niveau de pays comme l'Allemagne ou l'Italie, de telles politiques agressives seront moins nécessaires. Elles auraient de toutes façons du mal à perdurer, tant cette impression de dumping peut énerver les pays qui sont contributeurs nets au budget européen, et qui font face à des délocalisations parce que leur coût du travail ou leur taux d'imposition sont trop élevés. Il n'est pas dit qu'une généralisation de telles politiques soit possible.