Le soir du premier tour de l'élection présidentielle, François Bayrou est vaincu. Contrairement à ce qu'il croyait fermement, il ne sera pas Président de la République pour les cinq prochaines années. Il entame dès ce moment là sa campagne pour les élections présidentielles de 2012. Son but : montrer qu'il est l'alternative au pouvoir qui se mettra en place, très certainement celui de l'UMP. Pour que son parti, l'UDF, puisse être considéré comme un parti d'opposition, il doit apparaître clairement qu'il n'est plus de centre droit. Pour cela, François Bayrou accepte de mener la ronde médiatique en faisant un débat amical avec Ségolène Royal à la télévision, et lors de la deuxième semaine entre les deux tours, il annonce qu'il ne votera pas pour Nicolas Sarkozy. Il se met alors à l'œuvre pour fonder un nouveau parti qui lui sera entièrement dévoué, le Mouvement Démocrate, et s'apprête à une traversée du désert dont il espère toucher les dividendes à la prochaine présidentielle. Seulement, en refusant l'alliance entre l'UDF et l'UMP, François Bayrou force ce qui le suivent à n'avoir aucun poids sur les orientations politiques à venir. Il y avait déjà plusieurs membres de l'UDF qui avaient soutenu la candidature de Nicolas Sarkozy avant le premier tour, tel Gilles de Robien ou André Santini. Mais le lendemain du premier tour, les autres élus de l'UDF doutent : la stratégie de François Bayrou pour la présidentielle de 2007 est un échec, et il faudrait poursuivre sur la même voie pour la suite. L'alternative, pour eux, est entre l'absence d'influence, voire la défaite aux législatives, et la participation à la politique de la nation.

Comment s'étonner, alors, qu'une très grande majorité des députés du groupe UDF refusent de suivre leur chef dans sa déroute ? Ceux-ci ne veulent pas de ce Mouvement Démocrate, à la gloire d'un seul homme, mais ne veulent pas pour autant rejoindre l'UMP où ils craignent de perdre leur spécificité. Ils répondent alors à l'appel de Nicolas Sarkozy entre les deux tours, et se désolidarisent de leur chef en annonçant leur vote au second tour pour le candidat de l'UMP. Cette sécession donne alors naissance au Nouveau Centre, parti créé pour investir les candidats issus de l'UDF qui souhaitent se situer dans la majorité présidentielle. Hervé Morin, ancien président du groupe UDF à l'Assemblée Nationale, prend la tête de cette révolte, et rejoint André Santini et Gilles de Robien. Ce faisant, ils sauvent leurs sièges de députés, et reprennent une influence dans les affaires qu'ils avaient perdue lorsque François Bayrou avait décidé de passer à une stratégie d'opposition. Ce dernier se retranche dans l'isolement "glorieux" voulu par Marielle de Sarnez, seule personne qu'il écoute. Il pourra ainsi profiter des bons et des mauvais moments du gouvernement, espère-t-il. Au sein même du Mouvement Démocrate, tout le monde n'est pas complètement convaincu par cette méthode : ainsi, le député Thierry Benoit, l'un des quatre à avoir été élu sous l'étiquette de ce parti, s'interroge sur le résultat actuel de l'opération et préconise de mettre fin à cette division actuelle.

Avec tout cela, l'ambiance est évidemment horrible au sein de la famille socio-démocrate, divisée entre l'UMP, le Nouveau Centre et le Mouvement Démocrate. Par rapport à l'UDF, François Bayrou peut se targuer d'avoir récupéré les militants, dont de nouveaux, venus par le biais de la campagne présidentielle. Mais il n'a plus une véritable base d'élus, alors que celle-ci avait déjà été considérablement amoindrie par la scission de 2002. En fait, il s'agit ici du résultat d'un malentendu : le centrisme est une notion qui peut être pertinente pour qualifier le positionnement politique d'un individu, s'il essaie de prendre le meilleur de la gauche et de la droite en même temps. Mais le centrisme pur n'est pas possible dans la conduite du gouvernement, tout simplement par ce que les centristes ne sont structurellement pas assez nombreux pour disposer d'une majorité sans alliance. Il leur faut donc faire un choix, et en fonction de l'alliance choisie, le centrisme se sépare alors entre le centre gauche et le centre droit. François Bayrou refuse de faire alliance de nouveau avec la droite. S'il veut le pouvoir, il devra donc faire alliance avec la gauche. Il bascule sur l'échiquier politique, mais il devra pousser la gauche à se débarrasser de son extrême gauche qui garde une certaine influence même au sein du Parti Socialiste. De l'autre côté, le Nouveau Centre reste fidèle à ses choix antérieurs, en prenant le parti de l'alliance avec la droite. Il apparaît surtout que toutes ces vaines querelles n'ont qu'une seule origine : le destin que se voit de façon prophétique celui qui était le président de l'UDF.