En 1871, alors que le Second Empire s'est écroulé, une nouvelle assemblée est élue pour donner de nouvelles institutions à la France. Celle-ci est bien peu favorable à la création d'une nouvelle république, alors que c'est justement le régime en vigueur, le temps qu'une décision soit prise. Si le statut est provisoire, il existe tout de même une partie des députés qui souhaite que la IIIème République soit amenée à durer, alors que le débat semble d'abord de choisir quelle famille royale ou impériale doit retourner sur le trône. A cette époque, il n'y a pas encore de partis politiques, seulement des courants d'idées, formés par les députés une fois élus : l'étiquette ne préexiste pas le candidat. Il se trouve donc au parlement une minorité de républicains à la gauche de l'hémicycle, eux-mêmes divisés entre les modérés et les radicaux. Ces derniers ne sont pas là pour faire des concessions pour faire perdurer la République. Echaudés par les échecs de la Ière et de la IIème République, ils veulent changer la société française de façon colossale. Le combat est en premier lieu politique, contre les royalistes d'abord, mais aussi contre les républicains modérés, qu'ils qualifient d'opportunistes. A la fin du XIXème siècle, ils poussent les gouvernements à des politiques sociales et à mettre en place l'instruction publique. A l'époque, le mouvement conservateur est encore très lié au royalisme et à un catholicisme très prononcé, voulu par l'Eglise de l'époque. Ce maillage très efficace est vu comme un obstacle au républicanisme radical. Lorsque le royalisme était historiquement légitimé par la grâce de Dieu, bon nombre de partisans de l'extrême gauche sont absolument athées, et même violemment anti-cléricaux. Pour eux, l'influence structurelle de l'Eglise dans la société est quelque chose à combattre.

Au fur et à mesure du temps, ceux que l'on appelle désormais les radicaux obtiennent de plus en plus de députés à l'Assemblée Nationale. L'affaire Dreyfus révèle la fracture profonde qu'il y a dans le pays entre la frange conservatrice, anti-dreyfusarde, et le reste du pays. Au début du XXème siècle, l'anti-cléricalisme fait rage, et en arrive parfois à des excès tout aussi condamnables que ceux des conservateurs les plus virulents. Les radicaux sont alors à la manœuvre, souvent au poste de Président du Conseil. Après l'éloignement (ou parfois l'expulsion) du clergé de l'enseignement public pour le rendre laïc, ce sont ensuite les associations qui sont visées, pour affaiblir une voie d'influence de l'Eglise, ce qui donne lieu à la célèbre loi 1901. Mais le dossier le plus épineux de l'époque est celui de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, remettant ainsi en cause le Concordat mis en place entre la France et l'Eglise catholique en 1805 par Napoléon Ier. Pour plusieurs personnalités politiques, dont le radical Emile Combes, le but ultime est de se débarrasser au maximum de l'Eglise en France. Sur certains aspects, le conflit rappelle celui qui s'était transformée en guerre civile lors de la révolution française, lorsque la République réprimait violemment les révoltes royalistes et catholiques dans l'Ouest de la France.

Fort heureusement, la tension n'ira pas jusque là. Le ministère Combes tombe à la suite d'un scandale : officiers et personnalités étaient fichées par le gouvernement en fonction de leurs croyances religieuses, montrant l'extrémisme où pouvait arriver le mouvement. Pourtant, la question de la place de la religion dans la société devait être résolue : ces tensions entre athées et croyants ne faisant que succéder qu'à d'autres conflits de religions qui ont ensanglanté la France, l'essentiel était alors de trouver un mode de vie durable pour que chacun puisse cohabiter. La loi de séparation de l'Eglise de l'Etat de 1905, défendue par Aristide Briand, allait inaugurer la laïcité à la française, la solution qui est encore d'actualité aujourd'hui. Suivant la philosophie des Lumières, la religion devenait tout à fait libre, mais dans le cadre privé. Les institutions devenaient elles laïque, ce qui ne veut pas dire athée, seulement que la religion n'avait pas de rôle à y jouer, mis à part celui d'un courant d'opinion parmi d'autres.

La sagesse de cette loi permit de calmer les extrémismes de part et d'autres. Revenus de l'anti-cléricalisme, les radicaux se transformèrent en défenseurs de la laïcité, l'un des piliers de leur doctrine, en plus de l'attachement à la République et la vision humaniste de la politique à mener. Progressivement, ils quittaient l'extrême gauche pour se positionner au centre, poussés par l'apparition de mouvements plus "radicaux" que les radicaux en titre. Le Parti Radical fut crée en 1901, et ses personnalités ont été au premier plan de la IIIème et de la IVème République. Georges Clemenceau, qui était vu comme un homme haut en couleur, voire incontrôlable, se distingua à la fin de la première guerre mondiale comme le Président du Conseil qui amena la France à la victoire. Après la deuxième guerre mondiale, le positionnement des radicaux devint de moins en moins évident, au vu de la division des partisans d'une politique de gauche, et ceux qui privilégiaient l'alliance à droite. En s'affaiblissant, ils devinrent marginalisés par la Vème République. Et lorsque Jean-Jacques Servan Schreiber, alors dirigeant du Parti, décida de s'allier avec Valéry Giscard d'Estaing dans les années 1970, une scission des éléments de gauche du Parti Radical s'ensuivit.

Aujourd'hui, les radicaux restent divisés. A la suite des dernières élections présidentielles, des spéculations ont eu lieu sur une éventuelle réunification, qui est rêvée par Jean-Louis Borloo, actuel président du Parti Radical Valoisien, la branche de droite. Avec le Mouvement des Radicaux de Gauche, ces deux partis forment les ailes de centre droit et de centre gauche dans leurs camps respectifs. Si les choix d'alliance diffèrent, il reste une pensée commune aux deux mouvements : un attachement à une République laïque et humaniste. Et c'est un objectif qu'il faut aujourd'hui encore garder à l'esprit.