Aujourd'hui, l'Irlande est un pays prospère, dont le taux de croissance économique en 2006 était supérieure à 5 %. Le faible taux de chômage et les finances publiques saines sont d'autres indicateurs du succès de ce petit pays. Pourtant, cela ne fut pas toujours le cas, et l'on peut même qualifier ce succès de tardif. A l'instar de la Grande Bretagne dans les années 70, l'Irlande semblait régresser économiquement parlant dans les années 80. Taux de chômage très élevés, finances publiques en déroute, croissance en berne faisaient que l'Irlande avait l'apparence d'un foyer de développement de la misère en Europe de l'ouest. Mais pendant toute la décennie des années 90, la chance a tourné, transformant en profondeur l'économie et la société, et donnant à l'Irlande une position de force dans la mondialisation. Bien plus que de la chance, ce résultat spectaculaire est la conséquence de plusieurs mesures énergiques importantes.

La solution est venue en premier lieu de politiques économiques libérales, semblables à celles qu'avait pu mettre en œuvre Margaret Thatcher en Grande Bretagne. Une partie de la faiblesse économique de l'Irlande venait du fait que l'économie était écrasée sous le poids des impôts, en changeant complètement d'optique le gouvernement irlandais a tiré les conclusions de ses échecs précédents. L'impôt sur les sociétés a donc été drastiquement diminué (en s'établissant aujourd'hui à 15 %), ainsi que les autres taxes. Des aides ont été accordées aux entreprises qui décidèrent de s'installer en Irlande, et un effort particulier sur la recherche et développement a fait de ce pays en endroit attrayant pour les firmes de haute technologie. La conséquence fut qu'un grand nombre d'entreprises étrangères, en particulier américaines, ont choisi l'Irlande pour s'établir en Europe, irriguant l'économie irlandaise d'investissements importants qui relancèrent l'activité. Mais cela était justement possible parce que l'Irlande avait rejoint l'Union Européenne, et cette adhésion est bien la cause majeure de ce développement économique. Ayant longtemps fait parti des pays les plus pauvres de l'Union Européenne, l'Irlande a été l'un des principaux receveurs d'aides régionales pour mettre en place ou moderniser les infrastructures du pays. En outre, l'accès à un marché commun important lui ont permis de moins dépendre de la Grande Bretagne, qui était auparavant le pays destinataire de 90 % de ses exportations. Et c'est bien ce vaste marché potentiel que visaient ces entreprises américaines qui s'installaient en Irlande.

L'Irlande a actuellement des problèmes de pays riches : tendances inflationnistes du fait de la surchauffe de l'économie, ou manque de personnel pour certains métiers, presque tout le monde étant déjà employé. Elle connaît aussi des difficultés similaires à la Grande Bretagne, les mêmes causes aboutissant aux mêmes conséquences, la baisse de la fiscalité devant entraîner de moindres dépenses publiques, les services publics sont souvent dans un état médiocre. Mais l'Irlande ne voudrait en aucun cas retourner aux années sombres, où le manque de dynamisme et la faiblesse économique pesaient sur chacun. Cette success story nous enseigne au moins deux choses : d'une part, aucune situation économique dégradée n'est condamnée à perdurer, la volonté politique et des réformes structurelles de l'économie permettent d'en sortir. D'autre part, les pays pauvres de taille modeste qui ont adhéré à l'Union Européenne peuvent légitimement voir en elle un espoir, et l'Union en elle-même permet bien de rendre l'Europe dans son ensemble plus riche. D'un "miracle", l'on tire ainsi un double espoir, pour son avenir, et celui des autres.