Lorsqu'à l'automne dernier, le Premier ministre irlandais Brian Cowen a à la fois fait appel au FMI et à l'aide financière européenne, et présenté un plan d'austérité drastique, il dut appeler des élections anticipées. Premier ministre le plus impopulaire de l'Histoire (avec un taux de satisfaction descendant jusqu'à 8 % seulement), il pouvait être certain que son parti recevrait une raclée mémorable. Celle-ci eut lieu au début du mois de mars, et c'est bien une toute nouvelle majorité qui est arrivée au pouvoir. Le nouveau Premier ministre, Enda Kenny, s'est fait élire en promettant d'obtenir un meilleur accord avec l'Union Européenne. Les institutions européennes ont en effet accepté de secourir une Irlande terrassée par les forts taux d'intérêts réclamés pour sa dette publique, mais uniquement à des conditions strictes. Le but est bien de réduire la sensibilité aux marchés financiers qui détiennent la dette, et donc d'avoir des déficits moins élevés. Vu leur ampleur, les plans d'austérité ne sont pas légers. D'où le mécontentement de la population, qui se voit soudainement privée de dépenses publiques auxquelles elle était habituée.

Rien ne dit que Enda Kenny réussira à obtenir un accord plus favorable. Il a un mandat de la part de sa population, mais les fondamentaux irlandais n'ont pas changé pour autant, et les soucis que posent ce pays aux autres dirigeants européens restent les mêmes. Cette situation vient en échos à celle du Portugal. Ce pays est également attaqué par les marchés financiers (par le mécanisme des prophéties auto-réalisatrices), et le gouvernement portugais a voulu regagner leur confiance en serrant la vis sur les déficits public par un nouveau plan d'austérité particulièrement strict. Le plan fut rejeté par le Parlement, d'où des élections législatives anticipées à venir. En conséquence, la spéculation reprend de plus belle, et chacun s'interroge sur la possibilité du Portugal de demander l'aide du FMI et de l'UE. Ce serait là aussi particulièrement mal vu, et entraînerait de toute façon les mesures d'austérité redoutées.

L'Espagne est d'ores et déjà vue comme la prochaine victime désignée. Avec un taux de chômage de 20 %, le pays s'est réveillé particulièrement groggy après l'arrêt brutal d'une croissance miraculeuse. Les déficits publics sont un vrai problème, et le gouvernement se voit obligé d'enchaîner les plans d'austérité, avec l'impopularité que cela entraîne. Le Parti Socialiste Espagnol semble mal en point, les élections législatives de l'année prochaine semblent peu favorables pour la majorité, et José Luis Zapatero a d'ores et déjà annoncé qu'il ne chercherait pas à rester Premier ministre. Mêmes causes, mêmes conséquences. Tout cela donne un peu l'impression d'un mot d'ordre "sortez les sortants" au niveau européen.

Pourtant, il y a un gouvernement qui n'est pas tombé malgré l'austérité sévère qu'il impose à son pays. C'est celui de la Grèce, qui révéla les problèmes sitôt élu, et ne cacha rien du chemin à suivre pour s'en sortir. Il y a une leçon à en tirer : l'heure n'est plus aux gouvernements qui promettent plus de moyens sur tous les sujets et annoncent des lendemains qui chantent. Il faut avoir le courage d'annoncer que rien ne sera facile, que tout ce qui est trop beau pour être vrai ne le sera pas et que c'est en y mettant chacun du sien qu'on obtiendra quoi que ce soit. Bref, il faut des gouvernements de combat, identifiés comme tels dès la campagne électorale. Ce peut également être une leçon pour la France en 2012.