Aujourd'hui, l'immigration se retrouve encore au cœur de l'actualité pour deux raisons. La première est l'afflux massif d'immigrants d'Afrique du nord qui a bien lieu. Les Tunisiens semblent tellement heureux de la démocratisation de leur pays qu'ils le fuient par milliers. D'où ces images toujours spectaculaires de bateaux bondés débarquant à Lampedusa, accueillis avec réticence par les Italiens. Complètement débordés, les autorités italiennes veulent désormais donner à ces immigrés clandestins des titres de séjour temporaire, pour qu'ils puissent s'éparpiller au sein de l'espace Schengen, au grand dam de la France. La deuxième raison est peut-être liée à ce contexte. Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a annoncé vouloir réduire l'immigration légale. La ministre de l'économie, Christine Lagarde, a en revanche déclaré que celle-ci devait être "protégée et sécurisée", car selon elle, "dans le long terme, on aura besoin de main d'oeuvre, on aura besoin d'effectifs salariés formés".

Il est difficile d'en être sûr ! Cette théorie du besoin d'immigration à long terme a du plomb dans l'aile lorsqu'on la mets face aux faits. Elle vient de calculs démographiques qui établissent que faute de naissances, pour maintenir les mêmes rapports de proportion entre les générations, il faudra faire appel à de l'immigration. Suite au papy boom, ce serait le seul moyen d'une part d'occuper les emplois qui ne trouveraient plus preneur, d'autre part de maintenir le financement des retraites dans le cadre de notre système par répartition.

C'est un discours qui nous est tenu depuis pas mal d'années maintenant. Or le papy boom a maintenant déjà commencé, et rien ne va dans ce sens. Une génération numériquement importante est en train de partir en retraite, mais le chômage reste élevé. Nombre d'entreprises en profitent pour améliorer leur productivité. L'Etat lui-même annonce ne vouloir que remplacer un départ sur deux. Que le nombre de jeunes augmente ne sert à rien pour les retraites s'ils n'ont pas d'emplois leur permettant de cotiser... Dans ce cas, pourquoi vouloir augmenter le nombre de travailleurs si le nombre d'emplois reste limité ? Il ne s'agit pas de dire que les immigrés "prennent le travail aux Français" : il s'avère en fait que la population étrangère est davantage touchée par le chômage que les travailleurs français. Et si le but est d'augmenter la demande globale, une population sans emploi n'est pas le meilleur moyen.

Il y a ensuite l'argument selon lequel les immigrés occuperaient les emplois dont les Français ne veulent pas. En l'état, c'est possible, mais une fois encore, avec un tel taux de chômage, cela veut dire que l'on a vrai problème. La conclusion est simple : la priorité est alors que les travailleurs sans emploi occupent les emplois inoccupés. Il y a des emplois ingrats, mais cela vaut mieux que d'être au RSA ou SDF. Ils font souvent appel à de la main d'œuvre peu ou pas qualifiée, ce qui veut dire que n'importe quel chômeur peut l'occuper. Certains de ces emplois sont occupés par des sans papiers. Les employeurs, qui ne peuvent pas ne pas en être conscients, doivent subir des sanctions vraiment dissuasives pour chaque cas avéré, car ils encouragent l'illégalité.

Un autre cas est celui de la demande de travailleurs qualifiés. Certains peuvent demander des profils très spécifiques, qui justifient l'arrivée de travailleurs étrangers. Par exemple, il est utile que des universités ou des grandes écoles aient une partie de leur corps enseignant qui viennent d'autres pays, pour favoriser la circulation des idées et la recherche scientifique. Parfois, ce sont des pénuries qui justifient l'appel à des personnes étrangères. Le manque de médecins de campagne ou d'infirmières a justement favorisé le recrutement de travailleurs formés à l'étranger. Dans l'urgence, cela reste en effet la solution la plus rapide. Mais ce procédé fut accusé de favoriser la fuite des cerveaux de la part de certains pays du sud. Surtout, si les pénuries subsistent, cela veut dire qu'il faut former des habitants de la France pour occuper ces emplois. Pour adapter nos capacités de formation aux débouchés, une bonne mesure serait la sélection à l'entrée de toutes les filières universitaires, avec des effectifs évoluant en fonction des besoins.

Mais cela ne concerne que l'immigration de travail. Le regroupement familial ou l'asile politique sont d'autres voies d'immigration qui peuvent être réduites. En outre, la lutte contre l'immigration clandestine est affaiblie si on laisse la possibilité de régularisations. Et chaque année, il y en a encore plusieurs milliers.