La guerre ouverte que se mènent Christine Ockrent et Alain de Pouzilhac à la tête de France 24 puis de l'Audiovisuel Extérieur de la France commencent à devenir vraiment embarrassante pour tous les acteurs du secteur. Ce n'est qu'après tout qu'un banal conflit de direction, mais il laisse entrevoir toutes les incertitudes qu'il y a sur la stratégie audiovisuelle internationale de la France. Tous ces médias qui s'adressent à l'étranger ne sont que des moyens de propagande auprès d'autres populations, et à vrai dire, personne ne s'en cache. Lorsque Jacques Chirac a voulu la création de France 24, il voulait expressément que le point de vue français sur l'actualité mondiale puisse être accessible à tous suite aux débats sur la guerre en Irak. Depuis bien plus longtemps, la radio publique RFI sert des buts similaires. Elle est particulièrement redoutée en Afrique, où les dictateurs essaient régulièrement de couper les émissions françaises lorsqu'elles donnent une autre perspective sur l'actualité locale que celle du pouvoir en place.

Mais la France n'est pas la seule à subventionner de tels moyens d'action. Elle fut même la célèbre cible des émissions de la BBC pendant la seconde guerre mondiale, qui était devenu le seul moyen d'information non contrôlé par l'ennemi. Pendant la guerre froide, les Etats-Unis ont eux aussi mis en place des stations de radio s'adressant aux peuples vivant sous le joug communiste telles que Radio Free Europe ou Voice of America. Les Allemands financent la Deutsche Welle à la radio et à la télévision. Les Français peuvent également recevoir Russia Today, chaîne d'informations en anglais financée par le pouvoir russe, CCTV, contrôlée elle directement par les autorités chinoises, et NHK World, qui, en dehors des bulletins d'informations, fait beaucoup de promotion touristique. A l'occasion du tremblement de terre, ses images du tsunami en direct furent directement reprises par toutes les chaînes d'informations du monde. Mais l'une des plus connues est certainement Al Jazeera, d'abord remarquée pour la diffusion des cassettes d'Ossama Ben Laden, mais qui gagna davantage de respects pour sa chaîne en anglais, plutôt neutre, et sa couverture au plus près des révolutions tunisiennes et égyptiennes.

Reste à savoir quels sont les effets de toutes ces chaînes. Elles sont si nombreuses aujourd'hui... Arrivent-elles vraiment à influencer les populations étrangères ? Pour commencer, il faut qu'elles soient regardée. RFI souffre de grèves récurrentes, et France 24, malgré ses qualités, peine à s'imposer auprès des publics étrangers. Cela demande une vraie démarche de la part des téléspectateurs, qu'ils se disent "tiens, je vais aller voir les informations à la sauce française/allemande/russe...". Ce peut être un bon outil d'apprentissage des langues (ce qui n'est pas forcément à négliger), mais ces chaînes n'attirent l'attention que lorsqu'elles ont quelque chose en plus à proposer. La couverture du tsunami pour NHK World, la couverture des révolutions arabes sans le filtre du pouvoir local pour les versions arabes de France 24 ou Al Jazeera... Le reste du temps, les opportunités sont faibles.

En fin de compte, leurs plus grands concurrents sont les chaînes globales qui s'intéressent avant tout aux téléspectateurs. CNN International apporte certes bien plus d'informations internationales que CNN USA, mais elle propose également de nombreux programmes économiques s'adressant aux businessmen qui retrouvent cette chaîne dans les hôtels pendant leurs voyages. Après tout, on a tendance à juger une chaîne d'informations à la qualité de ses "breaking news", mais le reste du temps, il faut attirer le téléspectateur sur un fond de grille propre. Et c'est probablement là le principal écueil de ces chaînes d'informations publiques destinées à autrui...