En novembre dernier, la Cour des comptes et la Cour des comptes francilienne ont publié un rapport sur les transports ferroviaires (RER, Transilien, métro, tramway) en Ile-de-France. La lecture de ce rapport fait en fin de compte écho à ce que vivent quotidiennement les usagers des transports en commun franciliens. On n'est donc pas surpris de voir mentionnés le manque de fiabilité du matériel, le manque d'investissements et l'irrégularité chronique des trains. La faute en incombe à la SNCF, à la RATP, mais aussi au STIF (Syndicat des Transports d'Ile-de-France), l'autorité politique qui les organise.

Au delà des constats implacables sur les déficiences de service, on peut distinguer plusieurs points d'amélioration. Le premier est le manque d'investissements. Il y a pourtant des contrats de plan Etat-région pour le financement des projets ferroviaires. Le contrat 2000-2006 prévoyait plus de trois milliards d'investissements pour favoriser les déplacements de banlieue à banlieue et rendre les transports en commun plus attractifs. De très nombreux projets étaient prévus : rocade de tramway en petite couronne, tangentielles de grande couronne, nouvelles gares... En 2006, seules 6 des 41 opérations prévues étaient mises en service. A l'heure actuelle, la plupart d'entre elles n'ont même pas commencé (à commencer par le prolongement de la ligne E du RER, qui aurait pourtant mérité d'être entamé dès 1999). La sous-évaluation des besoins des projets et le sous-investissement chronique mis en place par les trois organismes est responsable de cet état de fait.

La Cour des comptes préconise de dégager des marges de financement dans la recherche de gains de productivité. Mais au vu des réponses de la SNCF et de la RATP, cela ne semble pas être dans la culture d'entreprise. Les différences entre ces deux entreprises sont également à l'origine de retards. Les interconnexions sur les lignes A et B de RER, entre la RATP et la SNCF sont source de nombreux retards. Sur la ligne B, le fait que les trains soient conduits par le même conducteur depuis peu est une source d'améliorations, mais la Cour des comptes préconise d'étudier la possibilité de mettre fin à l'entière gestion partagée des deux lignes. Cela risque difficile. En effet, le président de la SNCF, Guillaume Pépy, pense qu'il ne s'agira pas d'un facteur décisif de progrès. Il devrait prendre la ligne A régulièrement pour voir ce que cette interconnexion peut provoquer comme rupture dans le rythme du train.

La Cour des compte met également en avant la nécessité d'augmenter le poids de la ponctualité des trains dans l'indicateur de régularité de service. En effet, actuellement, l'information donnée aux voyageurs est aussi importante que la simple ponctualité, ce qui permet à la RATP d'échapper à des malus dans les dotations publiques du STIF pour son fonctionnement. D'après la Cour des comptes, cela en est à un point où la ponctualité n'est plus vraiment un critère discriminant. Alors que la dégradation des conditions de transport est constante pour les voyageurs, le bonus reçu par la RATP au titre de la qualité de service augmente. Cela peut paraître incompréhensible. On en perçoit mieux les raisons en lisant la réponse du président du STIF, le président de la région Ile-de-France Jean-Paul Huchon, sur ce point : "le montant du bonus de la RATP étant aujourd’hui redistribué à ses salariés, toute modification qui induirait une baisse sensible de ce bonus est délicate à mettre en oeuvre".

Voilà le coeur du problème : la qualité du service est artificiellement considérée comme élevée pour permettre d'augmenter les rémunérations des agents de la RATP. Jean-Paul Huchon conclue sur la nécessité de désintéresser les salariés sur la qualité du service rendu. C'est un très mauvais raisonnement. Il faudrait faire l'inverse, et vraiment impliquer les salariés sur la qualité de service de la RATP, pour les motiver à l'améliorer quand il est vraiment mauvais. Le principe de la rémunération au mérite n'est pas de truquer les indicateurs de performance pour acheter la paix sociale, mais bien de motiver les salariés à rendre le meilleur service possible aux usagers. Et cela, tant les opérateurs que l'autorité politique semblent l'avoir oublié.