La vidéo cachée de Ségolène Royal sur les professeurs avait remis temporairement (et bien malgré eux) ceux-ci sur le devant de la scène. Il reste au moins la certitude que l'Education est un thème qui ne devra pas être négligé dans la campagne électorale qui s'engage. Les enseignants se disent souvent désemparés face à des élèves difficiles, une hiérarchie incompréhensible, des parents trop ou pas assez présents, et surtout ce qu'ils ressentent comme un manque de respect généralisé vis-à-vis de leur catégorie. De par leur nombre, ils sont connus : tout le monde en a eu lors de ses études, et on les rencontre à nouveau lors de la scolarité des enfants. De ce fait, leur travail est constamment évalué, à l'aune du souvenir qu'on en a, ou de ce qu'ils font avec les élèves actuels. Les enseignants vivent très mal les critiques que peuvent leur faire les parents d'élèves, elles leur donnent l'impression d'être déjugés dans le travail qu'ils font. Ils disent aussi se sentir seuls dans l'exercice de leur responsabilité. C'est aussi parce qu'ils vivent mal aussi les critiques que peuvent leur faire leurs collègues, et qu'ils n'osent pas demander conseil auprès d'eux, de peur de passer pour quelqu'un qui n'y arrive pas. Ils se sentent donc désemparés, en étant pourtant sûrs de la qualité de leur travail. Ainsi, lorsque l'on parle de réformes ou d'idées nouvelles pour modifier les conditions d'enseignement, ils y réagissent souvent de façon hostile, en considérant qu'ils défendent ainsi leur profession.

Ils seraient alors les seuls à être parfaits, au milieu du chaos de l'Education Nationale ? Comment vouloir que les choses changent, sans changer d'éléments précis ? Au moins peut-on reconnaître que tous les professeurs ne sont pas tous individuellement des être idéaux et parfaits. Par expérience, on peut penser qu'il y a grossièrement dans ce corps un tiers de professeurs admirables, excellents pédagogues, des hommes et des femmes qui s'engagent sans compter dans leur tâche et qui correspondent à la description du professeur socle de la République. Grossièrement également, il y a un tiers de professeurs honnêtes, qui font assez bien leur métier, et qui contribuent efficacement à l'éducation des jeunes Français. Mais il reste aussi un tiers de professeurs vraiment dépassés, avec ou sans le souci du métier, qui apportent trop peu à leurs élèves. Il faut le reconnaître, car les réalités des enseignants ne sont pas toutes les mêmes.

On peut penser à plusieurs thèmes pour améliorer le fonctionnement de l'Education Nationale. Pour commencer, tous les jeunes professeurs mettent en cause de façon unanime leur formation, leur passage à l'IUFM ne le préparant pas de façon efficace à leur métier. La faute en revient au pédagogisme de façon théorique plutôt que pratique. Avec les cours expliquant comment apprendre aux élèves telle ou telle matière, doivent aussi figurer de façon générale "comment apprendre aux élèves", ou plus crûment, comment tenir et gérer une classe. Lorsque l'on apprend que ceux qui donnent des cours en IUFM n'ont parfois jamais eu d'expérience concrète d'enseignement, on ne peut qu'être effrayé sur la faillite de cette institution.

La formation ne doit d'ailleurs pas être uniquement une étape de début de carrière pour les professeurs : celle-ci doit se faire tout au long des années de façon continue, mais évidemment en dehors des périodes de cours. Car l'absentéisme est déjà une difficulté en soi de l'Education Nationale, particulièrement dans le secondaire. A ce titre, les remplacements au sein d'un même établissement initiés par Gilles de Robien vont dans le bon sens, et mériteraient d'être davantage acceptés par le corps enseignant. Mais les professeurs craignent souvent que leur classe soit prise par un autre enseignant, encore une fois de peur de la comparaison, du jugement. Celui-ci ne doit pourtant pas être redouté, vu que cela permet l'amélioration.

De même, les relations avec les parents d'élève ne gagnent pas à être tendues. Les professeurs se plaignent de devoir régler en classe les difficultés des familles, et de devoir apprendre aux élèves ce que les parents ne leur apprennent pas malgré leur rôle. Plutôt qu'une concurrence, n'est-ce pas une collaboration qui devrait avoir lieu ? En fait, les enseignants se plaignent également d'avoir des difficultés à rencontrer les parents d'élèves en difficulté. Et il est vrai que les premiers n'ont pas à assumer seuls toutes les charges de ces derniers.

Enfin, et surtout, il est vraiment souhaitable que les professeurs soient évalués plus souvent. Leur supérieur hiérarchique étant justement l'inspecteur d'académie, et non le directeur/proviseur/principal de l'établissement où ils enseignent. IL est donc sain qu'ils voient leur hiérarchie directement régulièrement. Cela permet de constater un travail bien fait, ce qui mène alors à des augmentations de salaire plus légitimes que la simple ancienneté. Cela permet également de recadrer un travail qui ne va pas. A ce titre, pour que le cours auquel assiste l'inspecteur soit représentatif, il convient de réhabiliter l'inspection surprise. En effet, aujourd'hui, les inspections étant planifiées et communiquées à l'avance, les cours concernés sont préparés d'une façon différente, et ils s'adressent alors davantage à l'inspecteur qu'aux élèves, ou en tous cas ils ne se déroulent pas de façon ordinaire. Des inspections plus fréquentes et non planifiées sont donc souhaitables pour coller au plus près des différentes réalités des enseignants. Et tout cela ne peut que favoriser un meilleur enseignement.