La Grèce a déjà beaucoup à faire en terme de politique intérieure. Après avoir vécu des années au dessus de ses moyens, le retour à la réalité est rude, et les réformes à faire sont douloureuses. Mais comme cela ne suffisait pas, elle doit aussi faire face à des vagues migratoires en provenance de la Turquie, avec un afflux massif d'immigrants venant d'Afrique ou d'Asie. Ces clandestins s'éparpillent ensuite dans les différents pays de l'Union Européenne grâce à la liberté de circulation des personnes, mais elles restent clandestines. Une fois attrapées par les autres pays européens, ceux-ci peuvent les renvoyer dans le pays d'entrée, laissant à la Grèce le soin de gérer cette population. S'il y a liberté de circulation à l'intérieur des frontières communes de l'Europe, il faut qu'il y ait une politique commune sur la gestion de ces frontières. C'est la raison d'être de l'agence européenne Frontex, qui œuvre à ce sujet depuis 2005. Des aides financières directes peuvent aussi être adressées aux pays les plus géographiquement exposés. Mais cela ne doit pas empêcher de trouver des solutions pour sécuriser les frontières les plus poreuses.

Voilà comment la Grèce en est arrivée à vouloir construire un "mur" à sa frontière avec la Turquie. La Bulgarie, qui est aussi frontalière avec la Thrace orientale turque, n'est pas autant concernée puisqu'elle ne bénéficie pas encore de cette totale liberté des personnes. Entre la Grèce et la Turquie, il y a bien une frontière naturelle, le fleuve Evros (Maritsa en bulgare) sur 198 km. Mais sur 12,5 km, à proximité d'Edirne, le fleuve ne longe pas la frontière, et fait une petite excursion à l'intérieur des terres turques. A proximité, la frontière se trouve donc en rase campagne, et est alors difficile à contrôler. D'où le mur, en fait une clôture surveillée électroniquement d'une hauteur de 3 m et d'une longueur d'une dizaine de km.

D'un point de vue symbolique, il n'y a certes pas de quoi se réjouir. Mais c'est devenu nécessaire, et lorsque l'Espagne a adopté cette solution à Ceuta et Melilla, les flux migratoires ont nettement diminué. C'est d'ailleurs pourquoi la France soutient ce projet en cours d'accomplissement. Depuis son lancement, plusieurs milliers de Tunisiens ont débarqué sur l'île italienne de Lampedusa. En effet, ces personnes ont souhaité fuir la Tunisie suite au tournant démocratique soudain du pays. D'ores et déjà, la chute des dictateurs dans la région semble, de façon assez surprenante, provoquer l'émigration des jeunes personnes qui seraient pourtant les plus indiquées pour reconstruire leurs nations sur de nouvelles bases. Le mur gréco-turc ne sera donc probablement qu'un chapitre d'une politique migratoire au long cours.